L’odeur de Lucien

« Lucien, j’aime ton odeur ! On dirait de la fraise ! » 

« Çà tombe mal, c’est « framboise des bois ». Tu as de la chance, d’habitude je mets « jambon de Parme » ! » 

« C’est dégoutant ! Comment peut-on faire un parfum avec ça ? »  

« Il faut savoir sortir des normes, Madeleine ! Nous étouffons sous le poids des conventions sociales, Madeleine ! Je te prends un exemple : qui a décidé qu’il valait mieux être grand que petit ? Au nom de quoi ? Hein ? 

Il y a des dictateurs de partout ! Finalement, je me demande si je décide quelque chose par moi-même ! 

Et puis d’abord, c’est dit, je vais décider !  Je vais décider de mettre des chaussettes blanches. Ça va m’attirer encore des histoires avec ma femme, mais tant pis. Ginette devra s’y faire. Et puis je vais faire un site à destination de ceux qui n’osent pas mettre des chaussettes blanches.  Il faut organiser la résistance. Et si je faisais alliance avec ceux qui ne peuvent pas mettre des costumes à rayures alors qu’ils en meurent d’envie ? Ou alors avec ceux à qui on interdit d’aller au boulot en short et en tongues ! A bas la bien-pensance dictatoriale ! 

Le plus fort c’est que nous subissons une dictature sans savoir qui sont les dictateurs. On a l’impression que tout le monde est dictateur. Mais si je prends d’assaut mon voisin sous prétexte que c’est un dictateur de la pensée, il va me dire que lui aussi, c’est une victime qui aimerait bien se parfumer à l’eau de vaisselle ou aller au bureau en tongues. Je serai obligé de le relâcher avent qu’il m’accuse moi-même de dictature !  Finalement, on vit dans la dictature, mais entre démocrates !  Tu comprends, Madeleine ? » 

« Rien du tout… » 

« J’ai une intuition : est-ce que je ne m’inflige pas à moi-même des règles dictatoriales ? Je ne vais tout de même pas me lyncher moi-même ! Çà devient compliqué ! 

Il me faudrait un vrai dictateur contre lequel je pourrai me révolter ! Ginette par exemple ! Je me demande si, depuis quelque temps, elle ne me regarde pas avec un rictus féroce de souveraine omnipotente en dépit de ses yeux de biche. Tu crois qu’elle se doute pour nous ? Il ne manquerait plus que ça…. 

Euh ! Finalement compte-tenu  de la qualité de son pot au feu, je vais ne rien dire pour cette fois. Je vais plutôt focaliser ma révolution démocratique contre Dumortier, mon chef de service  et ses airs supérieurs. Heureusement qu’il est là, celui-là ! » 

Une Réponse à “L’odeur de Lucien”

  1. Thonyo dit :

    Texte simple d’apparence mais qu’on ne s’y trompe pas, texte plein de bon sens! Bravo!

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