Un voisinage suspect
11 juin, 2011Le lotissement des Lauriers Roses serpentait en pente douce le long de la colline qui dominait les faubourgs de la ville. Pour tirer sur les coûts immobiliers, les maisons étaient construites toutes pareilles. Enfin presque. Un décroché ici et pas là. Un garage de plus d’un coté de la rue et pas de l’autre. En contrepartie d’un solide endettement d’une trentaine d’années, les ménages de cadres moyens qui s’étaient laissés séduire par cet endroit, avaient droit à un peu de diversité, mais pas trop. Avec leurs façades blanches et leurs volets bleus, les villas avaient un air provençal, ce qui avait sans doute permis au promoteur de trouver le nom de l’ensemble bien que je n’ai jamais remarqué de lauriers ni roses, ni d’aucune couleur, au milieu de la cinquantaine de logis dont celui que je partageais avec Mauricette, ma compagne, faisait partie.
Madeleine et Georges Barbichet étaient nos voisins de gauche. La sympathie s’était tout de suite installée entre nous. Couple de retraités d’un certain âge, ils disaient avoir longuement économisé pour le plaisir de tondre cent mètres carrés de gazon le week-end et de faire sécher le linge de Madeleine Barbichet au grand air, presque pur. A condition que le temps s’y prête, bien entendu.
En face de nos deux maisons, était sise celle de Monsieur Robert. Au début, nous ignorions son nom. Et nous aurions continué à ne pas le connaître si, par nuit noire, Georges Barbichet n’avait pas traversé subrepticement la rue pour aller se renseigner sur la boite aux lettres de l’individu.
Sans cet acte de bravoure de Monsieur Barbichet, le patronyme de Monsieur Robert aurait pu rester mystérieux. Nous aurions pu aussi ne jamais connaître l’homme puisqu’il sortait rarement de chez lui. Pour apercevoir sa silhouette, il fallait que Georges Barbichet et moi-même organisions des tours de garde. Ce stratagème réussit à plusieurs reprises puisque Monsieur Robert était dans la nécessité comme tout le monde de faire ses courses à certains moments de la semaine.