Archive pour le 8 juin, 2011

Les mémoires d’outre-tombe d’une cellule dermique

8 juin, 2011

Mon nom était  X92543, une cellule de  la peau de la poitrine de Jean. Nous avions toutes reçu un matricule, mais pour les copines, j’étais Zézette. J’avais un emplacement envié, juste sous le menton.  C’était un endroit important sans être trop exposé aux blessures. 

Le problème principal de la peau, c’est que c’est un organe vital. En témoigne l’expression humaine bien connu : « Sauver sa peau ». Il nous fallait donc être particulièrement vigilantes contre les agressions auxquelles notre propriétaire, un grand sportif, se soumettait régulièrement avec imprudence et témérité. Il arriva que Jean se blesse à la main et que l’une de nos cousines se trouva coupée en deux, ce qui nous fit toutes frémir d’horreur. 

C’est particulier d’être une cellule cutanée. D’abord ça ne dure que 28 jours.  Avec une durée de vie aussi courte, il s’agit de profiter de l’existence. Et de faire en sorte que Jean soit bien dans sa peau. 

Dès le premier instant, j’ai sympathisé avec ma voisine, X92542, très douce, que nous appelions Marie-Claude. Nous fûmes très solidaires. Pour des cellules de peau contigües, c’est préférable. Au premier réveil, nous avions compris que Jean avait l’habitude de se gratter longuement la poitrine. Nous nous tordions de rire chaque matin sous ce chatouillis qui durait jusqu’au moment de la douche. 

Notre fonction n’étant pas de s’esclaffer, nous passâmes aux choses sérieuses. Nous, les cellules dermiques, nous sommes les terrains de jeux préférés d’un monde spécial : les bactéries. Plusieurs millions, parfois. Il fallut rapidement organiser la défense du corps grâce à des dispositifs sol-sol. Nous faisions appel à des cellules spéciales, chargées de la défense immunitaire. Nos CRS à nous, pour ainsi dire, qui chassaient ces micro-organismes et parfois des microbes voyous assaillant notre pauvre Jean.

(suite…)