Archive pour mai, 2011

Conversation entre collègues

8 mai, 2011

« Pourquoi y-a-t’il tant d’imbéciles sur terre ? » 

« Ah ? Vous avez remarqué aussi ? » 

« Tenez ! Lui, là qui traverse dans les clous, devant ma voiture, il pourrait saluer mon sens civique ! Hé bien, non ! Sachant que j’ai la priorité, je traverse, sans me soucier de la peine que se donnent les autres pour ne pas m’écraser !  Un autre exemple ; prenez Berthier, le directeur et son coach ! Depuis qu’il a un coach, Berthier, il n’arrête pas de nous casser les pieds avec son développement personnel ! Résultat : tout le bureau est obligé d’aller faire un jogging avec Berthier, le dimanche matin ! Aucun respect des autres ! Certains voudraient aller à la messe le dimanche ! Ou alors rester tranquillement sous la couette ! Comme moi, par exemple ! » 

« Vous avez raison ! J’exècre ces gens qui se donnent en exemple ! » 

« Hé oui ! Tout le monde n’est pas Bardichon ! Il a tout raté, Bardichon : son mariage, ses affaires, sa santé ! Hé bien, il se tait Bardichon! Oui, peut-être qu’il déprime un peu, mais enfin, il ne la ramène pas Bardichon. Il faut savoir être modeste. Tenez, je n’aime pas me citer en exemple, mais je pourrais très bien parler toute la journée de mon doctorat de 3ème cycle, de mon trekking au Népal ou de mes donations

 aux miséreux ! Mais rien ! Je ne vous dis rien ! Admirez un peu mon sens de la réserve ! » 

« Ah ? Vous avez fait une thèse de 3ème cycle ? »

« Oui, mais je préfère ne pas en parler en attendant la fin de mon procès. » 

« Un procès ? » 

« Oh ! Trois fois rien ! Un historien sur lequel j’aurais copié des pages entières de mémoire ! Un jaloux, quoi ! » 

« Et le Népal, c’était bien ? Vous avez logé chez l’habitant ? » 

« Bernadette a préféré l’Hôtel International. Sinon vous pensez bien que je n’aurais pas hésité. » 

« Et votre dévouement envers les SDF, il faut en parler, vous savez ! C’est très généreux ! » 

« C’est sympa de me dire çà, mais je fais avec mes moyens : dix euros par ci, dix euros par là. Mais parlons plutôt de vous ! Vous ne vous

 vantez jamais de rien ! Si, si, mon petit doigt me dit que vous avez quelques mérites ! » 

« Euh, c’est vrai, je suis un spécialiste de course à pied… » 

« Euh… bon, arrêtez-moi, je descends là ! » 

« A propos, vous venez au jogging de Berthier dimanche, bien entendu ! Même Bardichon sera là ! » 

 

Encore de la violence!

7 mai, 2011

Au début, Jean s’est armé de patience.

Mais il étouffe de rage.

Il s’étrangle de fureur.

Il a décidé de briser le silence

Et de casser la baraque.

Désormais, il martèle son message.

Il dit qu’il va frapper un grand coup.

Puis qu’il tirera des conclusions

Possessions

6 mai, 2011

L’avocat tient un discours virulent

En s’agrippant fermement à la barre.

Il adhère à la thèse de son client

Qui a du garder le lit aujourd’hui.

Sans nul doute, ce dernier détient la vérité

Qu’il conserve en lieu sûr.

Il est obligé de contenir sa colère

Puisqu’il est certain de posséder  les  preuves de son innocence.

Possessions

6 mai, 2011

L’avocat tient un discours virulent

En s’agrippant fermement à la barre.

Il adhère à la thèse de son client

Qui a du garder le lit aujourd’hui.

Sans nul doute, ce dernier détient la vérité

Qu’il conserve en lieu sûr.

Il est obligé de contenir sa colère

Puisqu’il est certain de posséder  les  preuves de son innocence.

Un vrai battant

5 mai, 2011

C’est décidé, je me rebelle. Il faut savoir se battre dans la vie. Se battre fait bien. Même quand on n’a pas d’ennemi. 

L’ennui, c’est que je suis riche, en bonne santé, convivial, prêt à adorer mon entourage et le monde entier. Bon, ça ne fait rien, je vais me battre quand même. 

Ce matin, je me suis battu dans le métro. C’était assez réussi. J’ai défoncé trois épaules, démoli deux dentiers, piétiné une dame âgée. Pour avoir le plaisir de faire une demi-heure de trajet dans un wagon bondé, le nez écrasé contre le dos d’un black athlétique qui s’était battu aussi. Ce n’est pas grave, je suis en progrès. 

Malheureusement lors de mon retour chez moi, le soir, je n’ai pu écraser personne en pénétrant dans la rame. Elle était quasiment vide. 

Chez le boulanger, je me suis battu pour avoir ma baguette avant les autres. J’aurais pu attendre tranquillement mon tour. Eh bien ! Non ! Avant tout le monde, je vous dis. Le boulanger ne veut peut-être plus me voir dans son magasin, mais je me suis battu ! 

Au bureau, c’était plus compliqué. Tout le monde est sympa avec moi. Duchemin ne tarit pas d’éloges à propos de mon travail. A la maison, ce n’est pas simple non plus. Marie est merveilleuse. Elle enrichit notre couple. Je ne m’ennuie jamais. Chez mon voisin Marcel, au moins, leur couple est en miettes. C’est le pugilat quotidien. 

J’ai été obligé de convoquer Jeannot au bowling pour avoir le plaisir de battre quelqu’un à quelque chose. J’ai été le plus fort. Nettement. 

Il ne faut pas oublier d’éduquer les nouvelles générations dans cet esprit de lutte. J’ai expliqué à mon gamin qu’il n’aura rien d’autre dans la vie que les avantages pour lesquels il aura durement lutté. Je crains qu’il n’ait pas bien compris.  Il s’entend avec tout le monde, il n’a personne à combattre. 

J’ai beaucoup progressé. Je ravage tout sur mon passage. Sans un regard pour les vaincus qui auront ce qu’ils méritent. Je sens leur jalousie dans mon dos. Je suis un monstre de sang-froid. Je me fais peur moi-même. 

Les bonnes réponses

4 mai, 2011

Maurice a listé les manières de répondre à coté de la question :

« Mes services ont pris bonne note de votre demande… »

« Votre dossier fait actuellement l’objet d’un approfondissement… »

« La question que vous soulevez mérite d’être soumise à un groupe de travail que je réunirai prochainement… »

« Vos remarques éveillent un grand intérêt de la part des spécialistes… »

« Compte tenu de son importance, j’ai transmis votre courrier à notre siège central… »

« Vous posez là une vraie question… »

« Comme d’habitude vos observations sont pertinentes… »

« Il faudrait que l’on se voit pour en discuter… »

Les conseils du grand Jacot (7)

3 mai, 2011

« Il  n’y a pas de mal à se faire du mal. Vous allez aux soldes pour faire des économies. En quelque sorte, vous dépensez plus en voulant dépenser moins. Vous pourriez aussi aller au ski en espérant vous casser la figure pendant qu’on y est. Ou alors prendre un bain en hiver dans de l’eau bien froide pour attraper une bonne grippe. Ou passer votre temps devant la télé pour être sur de ne pas rater une émission débile. Ou bien encore voter avec enthousiasme pour un dictateur aux prochaines élections qui s’enrichira grassement sur votre dos. Vous n’êtes pas très raisonnable. » 

« Bon d’accord, monsieur Jacot, je vais faire des choses positives et pas du tout risquées. Je prendrai mes vacances aux Caraïbes et me baignerai dans de l’eau chaude. Les requins auront sûrement le dos tourné pendant ce temps là. Et puis, je vais rester devant mon téléviseur jusqu’à une heure du matin, pour ne pas louper une émission passionnante. Je voterai pour un système politique où tout le monde pourra donner son avis et participer au bazar général. Ça vous va ? » 

« Voyons, voyons ! Tout de suite des solutions extrêmes ! Comme vous y allez !  Prenons un peu de recul et essayons de travailler sur des solutions sensées ! Par exemple, au lieu de vous précipitez pour acquérir n’importe quoi sous prétexte que c’est en solde, vous pourriez acheter ce dont vous avez besoin, au juste prix, après en avoir discuté avec le commerçant. Ou alors, pendant votre séjour aux Caraïbes, vous prendrez des bains tièdes, ni trop chauds, ni trop froids après vous êtes renseigné sur la présence éventuelle de piranhas. Ou encore, vous pourriez regarder la télévision en sachant l’éteindre quand ce n’est pas intéressant. Sur le plan politique, il faudrait que vous choisissiez un homme mesuré, capable de prendre des décisions après avoir pris le temps d’écouter tous les avis. Ce n’est pas mieux comme ça ? »   

« Euh ! Non ! M’sieur Jacot ! Vous n’êtes pas très réaliste ! Vous avez déjà essayé de négocier un prix avec un employé de chez Carrefour. Il va vous répondre qu’on n’est pas dans un souk ! Quant au bain chez les piranhas ou les requins, si les copains y vont, vous pensez bien que je suis obligé de suivre ! Je n’ai pas envie de passer pour un dégonflé ! Et la télé, vous avez déjà essayé de l’éteindre sans vous faire lyncher par une horde d’enfants en furie ou une femme neurasthénique ? Et puis, un homme politique qui écoute et qui décide, ça existe ?» 

Encore une petite leçon d’anatomie

2 mai, 2011

J’ai une poussière dans l’œil.

La puce à l’oreille.

Un verre dans le nez.

Un poil dans la main.

De l’huile aux coudes.

De la force aux poignets.

Des fourmis dans les jambes.

Une espèce d’enflure aux chevilles.

Le monde à mes pieds.

Le Noël de Marcel

1 mai, 2011

 Marcel s’est confortablement installé dans son fauteuil, déposant sa canne à portée de main, sur le bras de son meuble préféré. Il respire avec peine : il vient de faire quelques pas dans les chemins environnants, et se juge fatigué. Mais les autres n’en sont pas sûrs : ils ont toujours le sentiment qu’il en rajoute un petit peu pour qu’on lui prête davantage d’attention. Ils savent que Marcel aime bien se plaindre. Lui, il affecte souvent de pendre un ton bourru tout en ayant beaucoup de cœur, il trouve que ça lui va bien.

Marcel passe les doigts sur sa moustache blanche, comme pour s’assurer de sa présence. Il a voulu laisser pousser cet ornement : il pense ainsi avoir l’air encore plus « grand-père ». Pour renforcer encore cette impression, il s’est affublé d’un pantalon de velours côtelé ancien, et d’un gilet d’une couleur indéfinissable, boutonné jusqu’au cou. Il a enfilé ses charentaises : elles ont perdu leur forme, elles sont même un peu trouées, mais il s’y sent à l’aise, comme chez lui.

Il a voulu également un feu dans la cheminée que sa fille Juliette a activé rapidement. En cette veillée de Noël 2040,  la température est clémente, la neige est absente. A ce sujet, Marcel enrage comme chaque année : il ne se souvient même plus de son dernier Noël sous la neige. Voilà déjà une décennie que le réchauffement de la planète a nettement fait sentir ses effets et qu’on n’arrive pas à avoir froid le 24 décembre. Mais Marcel a ronchonné pour avoir sa flambée, d’abord parce que ça  lui fait plaisir de ronchonner et puis ensuite parce qu’il estime que la tradition de ce jour exige un feu de cheminée dans son décor. Et puis en attendant le Réveillon, il pense qu’il sera bien là, au coin de sa flambée, auprès des siens.

Enfin immobile, il jette un coup d’oeil circulaire : sous ses paupières fatiguées, ses yeux d’un bleu pâle surprennent dans un visage que des sillons, creusés par le temps, ont sculpté comme un masque. Son regard lui donne encore un air juvénile et parfois malicieux que les enfants adorent. Il maugrée encore une fois contre la douceur du temps, comme l’an dernier. Il ne manque pas de rappeler que les Noëls de son enfance étaient marqués par la messe de minuit à laquelle il convenait d’assister avant de passer à table, même si l’on était transi de froid et saisi par le sommeil. C’était une fête religieuse, de son temps, il fallait souffrir un petit peu pour être récompensé.

(suite…)

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