Archive pour mai, 2011

Sachons débattre efficacement

19 mai, 2011

« Je m’interroge… » 

« Sur quoi ? » 

« C’est pas le problème. Quand on dit qu’on s’interroge c’est pour dire qu’on doute de ce que l’autre vient de dire ou alors qu’on n’est pas du tout d’accord. Alors on dit qu’on s’interroge sur son propos pour ne pas le contrarier ou pour être poli 

C’est comme quand on dit qu’on rebondit sur l’intervention de son voisin. Cà permet de faire semblant de l’avoir écouté, de trouver ça très subtil et d’en profiter pour dire ce qui vous intéresse et qui n’a aucun rapport avec ce qui précède. » 

« Si je comprends bien, il ne faut surtout pas dire qu’on ne s’intéresse pas à ce que disent les autres pour ne pas les vexer ! » 

« Exactement, malheureux ! Il faut que, dans tous les cas, votre interlocuteur s’en sorte avec la tête haute ! S’il se trompe lourdement vous pouvez à la rigueur dire : « Je me permets une petite rectification !!! », mais en toute dernière extrémité seulement !  

Le plus simple quand vous n’êtes pas d’accord, c’est d’annoncer : « Mes informations sont légèrement différentes des vôtres, mais sans doute ne portent-elles pas sur le même champ ou bien la même date! ». Il faut partir du principe que tout individu mis devant son incompétence  est un ennemi en puissance. » 

« Et quand c’est moi qui est contrarié ? » 

« Si vous êtes l’individu en question, vous pouvez encore vous en tirez en lançant d’un air sarcastique « Heureusement que vous êtes là ! » avec un sourire amer, bien entendu. Ou alors, vous pouvez dire « Eh voilà ! Mon service a encore fait une erreur. Voilà ce qui arrive quand on n’a pas assez de moyens ! ». Ou bien : « Je fais un remplacement au pied levé, je ne suis pas trop au courant ! ». Et puis, il ya aussi le moyen de culpabiliser à votre tour votre accusateur : « On ne va tout de même pas se jeter des chiffres à la figure : élevons un peu  le débat ! » »

Un bout de chemin

17 mai, 2011

Ils sont là. Assis côte à côte, au sommet du mur moussu qui domine le jardin du cantonnier. Les pierres ont conservé un peu de la chaleur de la journée. L’air doux du soir s’emplit des senteurs odorantes du chèvrefeuille et du romarin. 

La silhouette musclée et puissante de Max trône à la meilleure place. Séraphine, minaudant dans sa robe blanche, admire le calme rassurant de son voisin avec respect et soumission. 

Devant eux, la route nationale qui mène au village dessine un large arc de cercle entre la grange du père Voisin et l’oliveraie du maire de la commune. 

En ville, on dirait de lui que Max est un chat de gouttière. Son pelage gris et surtout ses yeux d’émeraude lui donnent cet air malin et roué qui a vaincu la timidité de Séraphine. Elle, c’est un angora de pure race, son long pelage immaculé fait la fierté de la mère Michèle Berthier. Du moins, jusqu’à ce que Séraphine, dissimulée derrière la fenêtre de sa cuisine, aperçoive Max qui chassait dans la nature. Depuis, Séraphine est infernale. Elle n’a de cesse qu’elle rejoigne son amoureux. 

Aujourd’hui Séraphine a déjoué la surveillance de la mère Berthier. Elle s’est infiltrée par une porte ouverte et a retrouvé Max. Les deux félins regardent la nuit tomber sur le massif de la Sainte-Baume dans des teintes mêlées de mauve et d’or. Des reflets de lumière illuminent encore la campagne qui s’endort devant eux.

(suite…)

Bouts de ficelle…

16 mai, 2011

Jean n’avait pas inventé le fil à couper le beurre

Mais il connaissait toutes les ficelles de son métier

Il tenait la corde pour avoir une promotion dans son entreprise

Car il avait de la peine à joindre les deux bouts.

Mais la rumeur se déchaîna contre lui.

Il ne comprit pas le nœud du problème

Aussi décida-t-il de larguer les amarres

C’est clair!

15 mai, 2011

« Moi, j’aime bien les choses claires ! » 

« Moi, je préfère quand c’est compliqué. Quand c’est compliqué, personne ne comprend rien, je ne me sens pas perdu ! Tenez, je vous prends un exemple : vous comprenez quelque chose vous à la TNT, la HD, la 3D, hein ? Hé bien, moi non plus ! Si tout le monde comprenait, je serai bien embêté ! Je ne pourrais pas briller dans les déjeuners en ville. Alors qu’aujourd’hui, je peux dire tranquillement que j’ai la TNT, la HD, la 3D. Je suis sûr que personne ne me demandera des précisions ! Personne n’ira vérifier pour la bonne raison que personne ne sait de quoi je parle ! Au contraire, on me regarde dans un silence admiratif et respectueux ! » 

« Vous avez raison, il faudrait que je trouve des choses compliquées à dire pour en parler à l’aise. » 

« Essayez les assurances. Personne n’y comprend rien non plus, ce qui permet aux assureurs de vous couvrir trois ou quatre fois pour la même chose ! » 

« Oui, mais je ne peux tout de même pas me vanter d’avoir trente six contrats d’assurance, ce n’est pas aussi sexy que de posséder un home-cinéma, même si on ne sait pas le faire marcher ! » 

« Ou bien alors, acheter une voiture neuve avec plein d’options dont vous ignorez la fonction : ABS, blue tooth, cruise control,  kit GSM, phares Xénon…  En plus, avec ça, vous devriez pouvoir emballer facilement. Vous faites monter votre conquête à vos cotés et la demoiselle sera forcément éblouie par la complication de votre  poste de pilotage qui ressemblera à celui d’un Airbus. Vous mettez alors votre casquette de commandant de bord et c’est gagné ! » 

« Vous n’auriez pas plus simple ? Je suis un peu juste en ce moment… » 

« Ah ! Non ! Nous en étions aux choses compliquées ! Bon d’accord, si vous ne pouvez pas vous acheter une voiture aux multiples équipements, vous pourriez au moins parler politique. Entre les partis, les sous-partis, les tendances,  ceux qui sont dans la majorité, ceux qui y sont sans y être, ceux qui n’y sont plus mais vont y revenir… il y a belle lurette que plus personne ne s’y retrouve ! Vous pouvez donc dire tout ce qui vous passe par la tête et le contraire. Personne ne vous contredira de peur de passer pour un crétin ou un ignare des dernières rumeurs ! » 

« Décidemment, je fais bien de parler avec vous ! Maintenant, je ne vais dire que des choses compliquées ! C’est clair ! » 

Tous les ingrédients de l’histoire

14 mai, 2011

Les huiles vont arriver. 

Mais il va falloir qu’elles fassent vinaigre. 

Ça va mettre du piquant dans la situation. 

La moutarde me monte au nez. 

Mes cheveux poivre et sel se dressent. 

Il ne faudra pas leur raconter de salades  

Tout en leur envoyant la sauce.

Bougisme

13 mai, 2011

Avec la crise, le monde a subi une terrible secousse.

Il a du encaisser les soubresauts des bourses financières.

Moi, je marche d’un pas saccadé.

Ce matin, j’ai le hoquet.

Mon bus tressaute sur les pavés.

Dans la rue les marteau-piqueurs émettent des vibrations.

Les feuilles des arbres  frissonnent au vent du printemps.

Bon, tant que je peux écouter les battements de mon cœur…

Eloge de l’approximatif

12 mai, 2011

L’imprécision des gens vous accablent. Par exemple, quelqu’un vous dit : j’habite aux environs de Trou-sous-Bois ou alors rendez-vous vers onze heures. Ce n’est pas la peine de vous énerver. Vous n’aurez pas davantage de précisions. D’ailleurs ce n’est pas vraiment utile.

A mon avis, le mieux est de savoir se servir de cette culture de l’à-peu-près. Par exemple, vous pouvez dire à votre patron qu’il aura le rapport qu’il attend avec impatience d’ici 4 ou 5 jours. Enfin, peut-être, si tout va bien. Votre chef sera ravi. Ou si vous êtes commercial, vous pouvez annoncer à votre client un prix entre 300 et 400 euros peut-être un peu plus ou un peu moins, vous ne savez pas trop. Votre interlocuteur sera impressionné par votre franchise ! 

C’est vrai  à quoi sert d’être trop précis ? On sait bien qu’il y a toujours des impondérables pour se mettre en travers de nos routes. Alors à quoi bon se stresser avec des délais qui déraperont de toute façon ? 

Certains diront : que serait l’existence si Napoléon n’avait pas inventé le Code Civil pour réglementer les rapports entre les citoyens ? Hé bien je répondrais que nous vivrions peut-être mieux ! Je pourrais avoir des dettes sans m’inquiéter puisque personne n’aurait le droit de me les réclamer ou alors je pourrais me marier quinze fois sans avoir à supporter une scène de ménage et des frais supplémentaires chaque fois que je divorce ! 

Allons plus loin. Imaginons que le fisc ne sache pas exactement calculer vos impôts. Les citoyens donneraient ce qu’ils veulent. Les plus riches n’ayant aucune idée sur le montant de leur dû verseraient sans doute beaucoup plus. Et hop là ! Le déficit public serait résorbé ! 

C’est comme au restaurant. Si  personne ne sait le prix du menu, chacun est gagnant. Le propriétaire puisque que les meilleurs clients paient plus qu’il ne faut car ils ne font pas trop attention à leurs dépenses, et les autres clients qui sont persuadés d’avoir fait une bonne affaire en donnant moins que ce qu’ils imaginent être le prix. 

Comme vous le constatez à l’issue de cette brillante démonstration, l’imprécision permet à chacun de ses sentir vainqueur et sûr de son bon droit, justement parce que le droit n’existe pas. Et, en plus, chacun peut s’en sortir en revalorisant l’estime qu’il a de lui-même ! 

Montrons-le encore habilement en revenant à notre exemple précédent. 

Votre patron sait qu’il aura son rapport. Dans un délai approximatif certes, mais il pourra se dire que lui au moins,  ne met pas une pression insupportable sur ses salariés. Il aura donc la satisfaction d’être un patron « social ».Le salarié, lui aura le contentement de savoir qu’il ne se laisse pas impressionner par sa hiérarchie. Ce n’est tout de même pas à lui, après quinze ans de boîte, qu’on va en remontrer, non mais alors ! 

Un gros train de vie

11 mai, 2011

Auguste était un prof énorme. 

Il percevait des émoluments mirifiques. 

Pendant son cours magistral, 

Il prenait l’air grave, 

Pour dire des bêtises monumentales. 

Il avait des costumes superbes 

Et arrivait d’une démarche imposante. 

Ses entrées étaient toujours solennelles. 

C’était grandiose.

Sabine

10 mai, 2011

Nous sommes six au tour d’une longue table ovale, présidée par Gerber, le PDG de l’agence. Il donne à sa présence un caractère de solennité, signe qui ne trompe pas : le budget de pub que nous confient les Chaussettes Spell atteint un niveau qui attire le respect. Gerber essuie ses lunettes avec sa cravate flamboyante et prend son temps pour bien nous faire comprendre l’enjeu : il n’est pas question de se planter. D’ailleurs les dirigeants de Spell ont lourdement insisté : il n’y aura pas de deuxième chance. Gerber enfonce les clous en nous regardant dans les yeux :

-« Je compte sur vous ! »

Et puis il disparaît. Nous restons avec Ben, notre chef d’agence qui n’en mène pas large. Il joue probablement sa place. Ben se passe la main dans les cheveux artistiquement dépeignés, indice de difficultés et de tensions internes. Les beaux yeux bleus de Ben attisent bien des convoitises féminines, mais eux se fixent plutôt sur sa carrière et son bulletin de salaire. En fait, il s’appelle Jean-Pierre, mais il trouve que Ben, ça fait américain, ce qui est nettement mieux porté dans nos milieux de publicitaires. Pour le moment Ben se ferait volontiers appelé Jean-Pierre ou Amédée ou Timothée si on voulait bien lui sortir l’idée géniale qui permettrait aux chaussettes Spell de pulvériser la concurrence et à lui-même de garder ses émoluments.

Martine arrive en retard pour se joindre à nous. Je la soupçonne de se faire un peu désirée : Ben pense qu’elle est la plus imaginative de l’agence et le lui a probablement dit. C’est une grande fille, un peu maigrelette, cheveux courts, avec des teintes invraisemblables. Mais aujourd’hui, en matière capillaire, on sait faire du n’importe comment avec goût. Avec sa grande bouche assez sensuelle et ses yeux noirs qui vous perforent facilement, ce n’est pas un canon, mais elle a de la présence, Martine et pour tout dire une certaine classe.

A son tableau de chasse, elle a accroché dernièrement la campagne pour les yaourts Poultard. Son coup de génie a été de trouver le slogan : « Le yaourt sans dextrose de blé ». Ça n’a l’air de rien : il n’y avait ni rimes ni astuces. Par contre, comme personne ne savait ce que c’est que la dextrose de blé, le slogan a provoqué un effet de curiosité. Le pari résidait dans le fait qu’à partir du moment où l’on affirmait qu’on avait enlevé la dextrose de blé du yaourt, le consommateur devait s’imaginer que la dextrose de blé était une horreur et que le fabricant qui réussissait à faire son yaourt en s’en dispensant était un véritable artisan à qui l’on pouvait faire toute confiance. Et le pire c’est que ça a parfaitement marché.

(suite…)

C’est limite

9 mai, 2011

Nous jouons sur le terrain qui est à la lisière de la forêt. 

Presque aux confins de la ville. 

Au terminus du métro, vous voyez ? 

Le but est d’en marquer. 

L’objectif est la victoire. 

Le projet est de ne pas descendre en division inférieure. 

Nous sommes à la limite de la rupture. 

Au final, il faudra faire les comptes. 

Au bout, il y aura peut-être une prime. 

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