Archive pour le 12 mai, 2011

Eloge de l’approximatif

12 mai, 2011

L’imprécision des gens vous accablent. Par exemple, quelqu’un vous dit : j’habite aux environs de Trou-sous-Bois ou alors rendez-vous vers onze heures. Ce n’est pas la peine de vous énerver. Vous n’aurez pas davantage de précisions. D’ailleurs ce n’est pas vraiment utile.

A mon avis, le mieux est de savoir se servir de cette culture de l’à-peu-près. Par exemple, vous pouvez dire à votre patron qu’il aura le rapport qu’il attend avec impatience d’ici 4 ou 5 jours. Enfin, peut-être, si tout va bien. Votre chef sera ravi. Ou si vous êtes commercial, vous pouvez annoncer à votre client un prix entre 300 et 400 euros peut-être un peu plus ou un peu moins, vous ne savez pas trop. Votre interlocuteur sera impressionné par votre franchise ! 

C’est vrai  à quoi sert d’être trop précis ? On sait bien qu’il y a toujours des impondérables pour se mettre en travers de nos routes. Alors à quoi bon se stresser avec des délais qui déraperont de toute façon ? 

Certains diront : que serait l’existence si Napoléon n’avait pas inventé le Code Civil pour réglementer les rapports entre les citoyens ? Hé bien je répondrais que nous vivrions peut-être mieux ! Je pourrais avoir des dettes sans m’inquiéter puisque personne n’aurait le droit de me les réclamer ou alors je pourrais me marier quinze fois sans avoir à supporter une scène de ménage et des frais supplémentaires chaque fois que je divorce ! 

Allons plus loin. Imaginons que le fisc ne sache pas exactement calculer vos impôts. Les citoyens donneraient ce qu’ils veulent. Les plus riches n’ayant aucune idée sur le montant de leur dû verseraient sans doute beaucoup plus. Et hop là ! Le déficit public serait résorbé ! 

C’est comme au restaurant. Si  personne ne sait le prix du menu, chacun est gagnant. Le propriétaire puisque que les meilleurs clients paient plus qu’il ne faut car ils ne font pas trop attention à leurs dépenses, et les autres clients qui sont persuadés d’avoir fait une bonne affaire en donnant moins que ce qu’ils imaginent être le prix. 

Comme vous le constatez à l’issue de cette brillante démonstration, l’imprécision permet à chacun de ses sentir vainqueur et sûr de son bon droit, justement parce que le droit n’existe pas. Et, en plus, chacun peut s’en sortir en revalorisant l’estime qu’il a de lui-même ! 

Montrons-le encore habilement en revenant à notre exemple précédent. 

Votre patron sait qu’il aura son rapport. Dans un délai approximatif certes, mais il pourra se dire que lui au moins,  ne met pas une pression insupportable sur ses salariés. Il aura donc la satisfaction d’être un patron « social ».Le salarié, lui aura le contentement de savoir qu’il ne se laisse pas impressionner par sa hiérarchie. Ce n’est tout de même pas à lui, après quinze ans de boîte, qu’on va en remontrer, non mais alors !