Archive pour mars, 2011

Leçon de grammaire

21 mars, 2011

Le pronom avait une manière très personnelle d’envisager l’affaire. 

Le passé pensait que la chose n’était pas aussi simple qu’il y paraissait. 

Du coup, il allait demander une salade composée. 

Son voisin, l’imparfait dit qu’il allait faire des efforts. 

Le subjonctif ajouta qu’il avait aussi un avis subjectif sur la question. 

Le conditionnel lui exprima son accord à une condition. 

C’est que son point de vue reste purement indicatif. 

Il faut que rien ne soit impératif. 

Se sentant exclu de ces échanges hermétiques, le point dit : « Je me barre ». 

Point barre. 

Nouvelle histoire à l’eau de rose

20 mars, 2011

         Elodie avait un corps parfait. C’était une certitude. Quelque chose de très pur se dégageait de la ligne qui reliait son épaule à la base de son cou.  Il pouvait la reconnaître de dos grâce à ce seul détail. 

Dès qu’il la regardait de face, il rougissait et son regard s’enfuyait au plus vite pour qu’elle ne s’aperçoive pas de son trouble. Il ne savait pas qualifier la couleur de ses yeux : un mélange d’émeraude et de reflets marins, animé d’une luminosité permanente qui semblait l’habiter de l’intérieur. Insoutenable pour lui. 

Le pire c’était son sourire. Il avait l’impression qu’à part elle, personne ne savait sourire. Des fossettes harmonieuses dessinaient son menton aux courbes douces. Ses lèvres s’entrouvraient avec une espèce de délicate sensualité dont il préférait ne pas être le témoin gêné. S’il avait su lui parler, il aurait tout fait pour ne pas l’amuser comme les autres. Tant de beauté l’aurait rendu malade. 

Heureusement, il n’avait aucun talent pour aborder les filles et surtout celle-ci. Lorsqu’il se trouvait face à l’un des êtres de sexe féminin de la bande, aucun son ne sortait de sa bouche. Il se demandait d’ailleurs pourquoi il faisait partie de la bande. Il avait suivi son frère qui lui, savait parler à n’importe qui, y compris à Elodie, sans se laisser impressionner par le physique de la jeune fille. 

Personne dans le groupe ne semblait prêter attention à sa présence, ni à son absence d’ailleurs. Lui se contentait de suivre les conversations en s’efforçant de s’esclaffer chaque fois que l’un des meilleurs orateurs de la bande émettait une lourde plaisanterie, accueillie par une salve de rires. Parfois, il se faisait honte à lui-même : il accentuait sa joie en se tordant d’hilarité. Peut-être espérait-il alors passer pour un joyeux drille et mieux s’intégrer ainsi à l’équipe.

(suite…)

A notre rayon jardinerie…

19 mars, 2011

Je pioche dans mes économies.

Je laboure le terrain

Je sème la graine de l’espoir

Je cultive l’ironie

J’entretiens de longues conversations

Je taille des croupières

Je récolte le fruit de mes efforts.

Je me suis planté, recommençons…

Histoire simple

18 mars, 2011

Jules  a tiré Pierre  de l’ornière

Pierre qui était boulanger se trouvait dans le pétrin

Mais il avait lui-même ramassé Jules dans le caniveau.

Alors qu’il vivait en fouillant les poubelles

Avec Maria qui habitait dans les égouts.

Jules et Maria  pleuraient donc misère.

Avant de faire fortune en dormant.

Ensemble.

L’origine d’une célèbre expression

17 mars, 2011

Bertrand appartenait à ce qu’on appelle la classe moyenne. Il habitait dans un quartier populaire hérissé de HLM. Il s’y sentait à l’aise dans sa vie quotidienne. 

Un jour, « elle » lui apparut les mains jointes : 

-          Ecoute, Bertrand ! Tu dois faire quelque chose pour lutter contre cette misère autour de toi ! Le chômage, l’insalubrité des logements, la violence… 

-          J’ai  déjà envoyé trois mails au parti présidentiel pour dénoncer ces manquements à la dignité humaine ! 

-          Et alors ? 

-          Ils m’ont renvoyé un bulletin d’adhésion ! 

-          Je ne t’ai pas demandé de faire de la politique, je t’ai prié de faire quelque chose pour ton prochain ! Ce n’est pas compliqué ! 

-          J’ai déjà eu un mal fou à décrocher un CDD de six mois ! Alors les autres…. 

-          Il faut que tu luttes contre quelque chose pour donner un sens à ta vie ! Sinon tu vas droit dans le mur ! 

Sur ces mots, Bertrand réfléchit : 

-          Tu as raison, je vais lutter contre le dingue ! 

C’est ainsi que Bertrand distribua des tapettes aux gamins du quartier en leur assignant pour mission d’écraser tous les moustiques susceptibles de transmettre cette maladie. 

Quinze jours plus tard, la police dut intervenir énergiquement puisque les bandes de jeunes avaient pris la regrettable habitude de  se battre entre eux à coup de tapettes. 

« Elle » reprit le cours de sa conversation avec Bertrand. 

-          Bon, on va faire plus simple, Bertrand ! Si tu faisais d’abord tout ce que tu dois faire chez toi ? 

-          … 

-          Regarde un peu dans quel état est ta salle de bains ! Tu mets de l’eau partout ! Tu ne rebouches pas le tube de dentifrice ! Tu ne changes pas tes serviettes ! 

-          … 

-          Ou vas-tu comme ça ? 

C’est ainsi que Bertrand, assailli par le remords que lui distillait sa conscience entreprit de faire son ménage dans son petit appartement. A la surprise générale. Plus tard, peut-être, il s’occuperait de venir en aide aux autres. 

Plusieurs historiens pensent que la célèbre expression « Charité bien ordonnée, commence par soi-même » est directement issue de la conclusion de cette anecdote. 

Une entremetteuse

16 mars, 2011

La maitresse des lieux régnait sur les aventures galantes du quartier.

Elle savait que l’amante religieuse avait supplanté la femme du boulanger chez le maire lent.

Elle organisait les rendez-vous secrets du limonadier  et de l’amère Couturière.

Elle avait rapproché l’épicier et la fille du père Declack.

Ainsi que l’opticien avec la donzelle qu’il lorgnait.

Il  lui fallut éviter que l’instituteur, tuteur de Rachida ne s’en amourache, Ida son cousin ne l’aurait pas admis.

Pour elle-même, elle avait dans le collimateur le postier qui lui livrait ses colis, mateur de ses belles jambes.

Monsieur Soleil

15 mars, 2011

J’ai des dons de divination. Je sais lire l’avenir. C’est comme ça. Personne ne me croit mais je suis capable de lire le futur. 

Par exemple, demain sera vendredi. Dans les bureaux, quelqu’un dira qu’il est heureux de voir arriver le week-end, et qu’il va en profiter pour dormir un peu. 

Demain, il y aura du poisson à la cantine, comme tous les vendredis d’ailleurs. A table Dubertrand parlera foot en priant pour que le PSG emporte son prochain match. Comme tous les jours. 

Bientôt, c’est la Toussaint.  Marie et moi irons poser un géranium rouge sur la tombe de sa mère. Marie dira comme chaque année : « Elle les aimait tant ! ». Et puis nous remarquerons tristement que les feuilles mortes jonchent désormais notre chemin. 

Dans un mois, Marie et moi allons nous demander ce que nous allons faire pour Noël et le réveillon du jour de l’an. 

Dix semaines plus tard, en ouvrant la fenêtre de notre chambre, j’annoncerai que les oiseaux chantent et qu’en conséquence je sentirai venir le printemps. J’aime ce genre de remarques. Je ferai également une allusion aux bourgeons qui repoussent ce qui est d’ailleurs la règle à cette époque. 

J’apporterai un bouquet à Rosalyne qui se fera un devoir de répéter à la cafétéria que je suis le seul chef de service à ne pas négliger la fête des secrétaires. 

Au mois d’avril, nous nous interrogerons sur le lieu de destination de nos vacances d’été. 

Au mois de mai, notre directeur Fouillard fera des remarques amères sur le nombre incalculables de jours de congés qui sont à l’origine des célèbres ponts du mois de mai et qui sont une catastrophe pour le fonctionnement de l’entreprise. Nous ferons semblant d’être d’accord en opinant gravement du chef, tout en nous félicitant de ce calendrier. 

Marie et moi sortirons la table dehors pour profiter des premiers beaux jours. Je pense également que je ferai un barbecue et qu’elle me dira de faire attention de ne pas me brûler. 

En juin, les uns et les autres remarqueront qu’il fera chaud ou alors pluvieux. Jeannot, mon voisin de bureau, me demandera si j’ai participé à la fête de la musique en sachant très bien que je ne joue d’aucun instrument. Je serai agacé. 

En juillet, il faudra faire tout ce qu’on  n’a pas eu le temps de faire pendant l’année pour pouvoir partir en congés, l’esprit tranquille. Puis vers le 15 du mois, Marie et moi noterons que nous sommes englués dans les embouteillages autoroutiers en allant au Lavandou, mais qu’après tout, puisqu’on est en vacances, on n’est pas pressés. 

En août de retour au bureau, je dirai qu’on est tranquille pour travailler puisqu’il n’y a personne. Je pourrai faire tout ce que je n’ai pas pu faire avant mes congés. 

En septembre je remettrai à jour mes prévisions. 

A nos membres (2)

14 mars, 2011

Lucien se prenait pour la cheville ouvrière de l’entreprise.

Mais il avait une épine dans le pied.

Il s’endormait souvent  sur son bureau, les orteils en éventail.

Jean qui  visait sa place mit les pieds dans le plat.

Il récupéra les talons de chèque de Lucien pour dévoiler ses dépenses exorbitantes à son chef Louis.

Louis lui répliqua qu’il fallait marcher sur des œufs.

Il n’était pas du genre à enjamber les difficultés d’un geste souple.

C’est que Louis avait un fil à la patte.

Devant Lucien, Louis était dans ses petits souliers !

Un moment de vérité

13 mars, 2011

-          « Le premier qui bouge un cil, je le bute ! » 

La phrase est un peu conventionnelle dans ce genre de situation, mais elle produit toujours son effet. 

Les trois malfrats sont agités comme des puces encagoulées. Ils nous ont jetés dans la salle de réunion sans ménagement. 

Berthier,  le directeur d’agence, tente encore de plastronner : 

-         »  Je m’élève… » 

-         »Ta gueule !… » 

Berthier ne s’élèvera plus pour un petit moment. Il préfère essuyer ses lunettes aux montures dorées avec son ineffable pochette rouge assortie à sa cravate bordeaux. Mentalement, il essaie de souvenir des procédures à respecter dans une pareille situation. Berthier est un homme de procédures ! Pour lui, tout est toujours prévu, il suffit de suivre le cahier de procédures ! 

En face de lui Ballandreau, le caissier a assis ses cent douze kilos dégoulinant de sueur dans un siège qui grince furieusement sous le poids de son occupant. Il passe un mouchoir d’une propreté douteuse sur son font dégarni, tout en torturant convulsivement sa moustache grise de l’autre main. Ballandreau en est à son troisième hold-up. Il tente de nous faire partager son expérience en nous faisant signe de nous calmer. 

Mademoiselle Louise, la chef-comptable, est prostrée, comme repliée sur elle-même. Son visage austère disparait sous sa tignasse échevelée. Elle pleure, probablement. On la sent au bord de la crise de nerfs.  Si elle craque la situation va devenir compliquée. Je devrais peut-être lui parler, mais je crains d’aggraver son angoisse. D’ailleurs, je ne sais pas parler dans les situations critiques !

(suite…)

En avant!

12 mars, 2011

Le soldat se jette à l’assaut.

Au matin de Noël l’enfant se rue au pied du sapin.

Les amoureux se lancent des regards brulants.

Les ennemis politiques se décochent des flèches fielleuses.

En discothèque, John se lâche sur la piste de danse.

Les ambitieux se catapultent au premier rang.

Les pompiers se précipitent au secours du blessé.

Les visionnaires se projettent dans l’avenir.

Les fusées se propulsent dans l’espace.

Et tout le monde s’en balance.

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