Monsieur Soleil
15 mars, 2011J’ai des dons de divination. Je sais lire l’avenir. C’est comme ça. Personne ne me croit mais je suis capable de lire le futur.
Par exemple, demain sera vendredi. Dans les bureaux, quelqu’un dira qu’il est heureux de voir arriver le week-end, et qu’il va en profiter pour dormir un peu.
Demain, il y aura du poisson à la cantine, comme tous les vendredis d’ailleurs. A table Dubertrand parlera foot en priant pour que le PSG emporte son prochain match. Comme tous les jours.
Bientôt, c’est la Toussaint. Marie et moi irons poser un géranium rouge sur la tombe de sa mère. Marie dira comme chaque année : « Elle les aimait tant ! ». Et puis nous remarquerons tristement que les feuilles mortes jonchent désormais notre chemin.
Dans un mois, Marie et moi allons nous demander ce que nous allons faire pour Noël et le réveillon du jour de l’an.
Dix semaines plus tard, en ouvrant la fenêtre de notre chambre, j’annoncerai que les oiseaux chantent et qu’en conséquence je sentirai venir le printemps. J’aime ce genre de remarques. Je ferai également une allusion aux bourgeons qui repoussent ce qui est d’ailleurs la règle à cette époque.
J’apporterai un bouquet à Rosalyne qui se fera un devoir de répéter à la cafétéria que je suis le seul chef de service à ne pas négliger la fête des secrétaires.
Au mois d’avril, nous nous interrogerons sur le lieu de destination de nos vacances d’été.
Au mois de mai, notre directeur Fouillard fera des remarques amères sur le nombre incalculables de jours de congés qui sont à l’origine des célèbres ponts du mois de mai et qui sont une catastrophe pour le fonctionnement de l’entreprise. Nous ferons semblant d’être d’accord en opinant gravement du chef, tout en nous félicitant de ce calendrier.
Marie et moi sortirons la table dehors pour profiter des premiers beaux jours. Je pense également que je ferai un barbecue et qu’elle me dira de faire attention de ne pas me brûler.
En juin, les uns et les autres remarqueront qu’il fera chaud ou alors pluvieux. Jeannot, mon voisin de bureau, me demandera si j’ai participé à la fête de la musique en sachant très bien que je ne joue d’aucun instrument. Je serai agacé.
En juillet, il faudra faire tout ce qu’on n’a pas eu le temps de faire pendant l’année pour pouvoir partir en congés, l’esprit tranquille. Puis vers le 15 du mois, Marie et moi noterons que nous sommes englués dans les embouteillages autoroutiers en allant au Lavandou, mais qu’après tout, puisqu’on est en vacances, on n’est pas pressés.
En août de retour au bureau, je dirai qu’on est tranquille pour travailler puisqu’il n’y a personne. Je pourrai faire tout ce que je n’ai pas pu faire avant mes congés.
En septembre je remettrai à jour mes prévisions.