Un moment de vérité
13 mars, 2011- « Le premier qui bouge un cil, je le bute ! »
La phrase est un peu conventionnelle dans ce genre de situation, mais elle produit toujours son effet.
Les trois malfrats sont agités comme des puces encagoulées. Ils nous ont jetés dans la salle de réunion sans ménagement.
Berthier, le directeur d’agence, tente encore de plastronner :
- » Je m’élève… »
- »Ta gueule !… »
Berthier ne s’élèvera plus pour un petit moment. Il préfère essuyer ses lunettes aux montures dorées avec son ineffable pochette rouge assortie à sa cravate bordeaux. Mentalement, il essaie de souvenir des procédures à respecter dans une pareille situation. Berthier est un homme de procédures ! Pour lui, tout est toujours prévu, il suffit de suivre le cahier de procédures !
En face de lui Ballandreau, le caissier a assis ses cent douze kilos dégoulinant de sueur dans un siège qui grince furieusement sous le poids de son occupant. Il passe un mouchoir d’une propreté douteuse sur son font dégarni, tout en torturant convulsivement sa moustache grise de l’autre main. Ballandreau en est à son troisième hold-up. Il tente de nous faire partager son expérience en nous faisant signe de nous calmer.
Mademoiselle Louise, la chef-comptable, est prostrée, comme repliée sur elle-même. Son visage austère disparait sous sa tignasse échevelée. Elle pleure, probablement. On la sent au bord de la crise de nerfs. Si elle craque la situation va devenir compliquée. Je devrais peut-être lui parler, mais je crains d’aggraver son angoisse. D’ailleurs, je ne sais pas parler dans les situations critiques !