Dialogue philosophique
13 février, 2011« Nous sommes tous instrumentalisés, mon pauvre ! »
« Qu’est-ce que vous entendez par là ? »
« On se sert de nous, et le pire c’est que nous ne nous en apercevons même pas ! C’est intolérable quand on y réfléchit ! »
« Vous pouvez me donner des exemples ! »
« D’accord. J’en ai plein. Imaginez que je suis un patron d’une entreprise de produits de beauté. Je veux vous vendre mon dernier savon au parfum de rose. Qu’est-ce que je fais ? Hmm ? »
« Vous me démontrez qu’il faut l’acheter ! »
« Vous n’y êtes pas du tout ! Je vous montre une belle femme nue sous sa douche en train de se masser voluptueusement avec mon savon ! »
« Et alors ? Je m’en fiche ! »
« Vous n’allez pas me dire que vous n’êtes pas un peu libidineux sur les bords. En vous montrant cette image, je me sers de vos tendances érotiques pour vous refiler ma marchandise ! Vous comprenez ? »
« Tenez, je prends un autre exemple. Je suis un chauffeur de bus, responsable de mon syndicat de salariés. Mes copains et moi, nous ne sommes pas du tout contents de nos conditions de travail. Nous nous mettons en grève. Qu’est-ce que vous faites ? »
« Je prends ma voiture ! »
« Non ! Vous n’y êtes pas ! Vous ne prenez pas votre voiture ! Vous hurlez ! Et je me sers de votre mécontentement pour faire pression sur le gouvernement qui, de ce fait, est très embêté ! »
« Bon d’accord. Mais si on y va par là, tout le monde se sert de tout le monde. Je vous écoute, là vous défouler. Je me sers de vous pour me distraire en attendant le bus et vous vous servez de moi pour vous défouler ! »
« Vous avez raison. Je trouve qu’il faudrait mettre un peu plus de générosité dans nos rapports. Par exemple, je vais vous donner un conseil. Après vous le suivrez ou vous ne le suivrez pas, c’est votre affaire : changez de dentifrice ! »
« Bin… ça ne va toujours pas ! Vous me donner quelque chose, mais vous vous donner aussi l’impression d’être utile. Vous vous servez encore de moi ! »
« Mince, c’est vrai ça ! Comment va-t-on en sortir ? »
« Et si on ne se parlait pas ? »