Péché de gourmandise
17 août, 2010Dans leurs aubes blanches, les jeunes novices sortent sur la placette du couvent en s’égayant comme une envolée d’oisillons jaillissant du nid maternel.
C’est la promenade du jeudi ! La sortie de la semaine ! Le moment où elles pourront voir le monde !
Sœur Marie-Thérèse encadre sévèrement la petite troupe impatiente et bavarde. Elle doit frapper dans les mains pour rappeler à l’ordre les jeunes filles.
- Un peu de silence, Mesdemoiselles !
La promenade du jeudi doit se dérouler en rangs, deux par deux, et si les demoiselles sont autorisées exceptionnellement à discuter entre elles pour se détendre, les conversations doivent se dérouler à voix basse, avec la réserve qui convient dans une éducation vouée à un détachement sans faille des petits plaisirs terrestres. Les écarts devront être avoués au cours de la confession hebdomadaire auprès du père Dupuis !
Quel soulagement pourtant, cette sortie hebdomadaire ! Malheureusement pour aujourd’hui, c’est Sœur Marie-Thérèse qui est chargée de conduire la dizaine de jeunes novices jusqu’au jardin des plantes comme chaque jeudi. Sœur Marie-Thérèse est la plus sévère. Avec elle, il n’est pas question de musarder en chemin comme avec Sœur Amélie. Il est même interdit de s’esclaffer dans les rangs sous peine de passer un mauvais quart d’heure dans le bureau de la mère supérieure !
La colonne chemine le long des rues qui s’éveillent. C’est jours de marché, les passantes, cabas au bras, se pressent sur les trottoirs. Parmi ses congénères, Juliette est, la plus grande et, de l’avis général, la plus délurée. En marchant elle baisse la tête, jette son regard malicieux à la dérobée vers Marie, sa voisine et furtivement vers Justine, la silhouette dégingandée qui marche sur ses pas :
- Prête Justine ?