Maria, Berthe et Phyllis étaient trois sorcières qui tenaient un cabinet spécialisé en maléfices, très courtisé par la haute société de la capitale. Elles étaient toutes trois vilaines à faire peur. Dans les soirées mondaines, on redoutait de voir apparaitre leurs mâchoires édentées et les pustules écœurantes de leurs visages déformés. Leurs ricanements grinçants et leurs regards pleins de méchanceté glaçaient d’effroi ceux qui avaient la malchance de les croiser.
Maria était la plus âgée. En plus de sa laideur insupportable, son corps vouté et sa démarche de guingois donnaient l’impression d’un être immonde, prêt à tous les coups tordus. Pourtant son carnet d’adresses lui permettait d’accéder facilement aux grands noms de la société. Elle avait porté au pouvoir plusieurs dictateurs locaux dans des contrées lointaines pour des millions de dollars et s’était souvent offert le plaisir de les renverser huit jours plus tard après s’être fait graisser une patte décharnée par le parti adverse, le tout dans une allégresse haineuse et rancunière. Même Berthe et Phyllis qui n’étaient pas sans reproche avait peur de Maria.
Berthe, que les deux autres appelaient la grosse Bertha, en hommage à son obésité adipeuse, se cantonnait plutôt dans les affaires financières frauduleuses. Par la seule force de ses incantations, elle avait réussi à provoquer quelques jolies crises boursières et économiques ce qui permettait à ses commanditaires de décréter que la population devait se serrer la ceinture à leur seul profit pour remonter une pente que Berthe s’emploierait aussitôt à leur faire redescendre. Même les analystes financiers les plus expérimentés n’avaient jamais réussi à contrer les agissements de la grosse Bertha d’autant plus que celle-ci n’avait jamais mis les pieds dans une salle de cotations. A Wall Street, son nom terrorisait les goldens boys. Lorsqu’il était cité dans une affaire, il valait mieux abandonner la partie tout de suite et s’occuper d’autre chose si l’on tenait à son bonus faramineux de fin d’année.
Phyllis était la plus jeune mais pas la moins horrible. Son nez d’une longueur démesurée se trouvait fourré dans toutes les rumeurs les plus basses qu’elle se plaisait à faire circuler sur des personnalités complètement innocentes moyennant une rétribution pharaonique de la part de leurs adversaires du moment. Phyllis, boiteuse et ricanante, hantait les nuits de la capitale à la recherche de ses proies du moment. Son sourire jaunasse découvrant sa bouche baveuse semait la terreur sur son passage.
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