Archive pour le 27 juillet, 2010

L’histoire de la déception de Martin, le garçon-boucher

27 juillet, 2010

Il y a trois mois, Mauricette Dumourier était entrée pour la première fois dans la boutique de Marcel, le patron de la boucherie Bourdarel qui emploie Martin comme apprenti. Le jeune homme aime bien Marcel, aime bien son boulot, aime bien le quartier. Bref, Martin est paisible et heureux. Avec sa tignasse blonde, ses yeux clairs et illuminés, Martin ne manque pas d’atouts pour passer des soirées pleines de charme avec les filles du quartier.  Les épaules carrées qu’il cultive assidûment dans la salle de sport municipale font rêver les midinettes de son immeuble et bien au-delà. Des concours s’organisent entre les jeunes filles plus ou moins délurées du voisinage : c’est à celle qui « sortira » le plus longtemps avec le beau garçon boucher et éventuellement, à celle qui ira le plus loin dans leurs ébats avec ce bel athlète. 

Lorsque Mauricette Dumourier poussa la porte de l’échoppe de Marcel Bourdarel, personne ne la reconnut tout de suite. Il faut dire qu’il aurait été bien difficile de reconnaître le commissaire de police qui déchainait l’audimat tous les samedis soirs dans cette silhouette engoncée dans une parka aux formes approximatives et si peu féminines. C’est lorsque Mauricette ôta ses lunettes noires pour examiner la vitrine du père Bourdarel que celui-ci poussa discrètement du coude son commis fort occupé à cet instant précis à découper deux côtelettes de porcs pour la mère Dupuis. Le Commissaire Miller achetait deux tranches de jambon ! Comme tout le monde ! Et comme tous les honnêtes clients elle sortait avec précaution un petit porte-monnaie de sa poche pour payer son emplette ! 

Lorsque Martin lui tendit son achat soigneusement emballé dans un papier au nom de ma boutique, il eut le temps de croiser le visage de la vedette de la télé. Contrairement à son image de star, le visage de Mauricette paraissait fatigué. Sa bouche était entourée de deux plis amers, la peau de ses joues qu’elle savait garder si fraîches au plus fort de ses exploits télévisuels, était marquée de tâches rosées, voire même foncées à certains endroits. Seuls ses yeux verts d’eau d’un éclat doux et tranquille, rappelaient la présence du célèbre policier de feuilleton.

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