Archive pour le 20 juillet, 2010

Combat de rues

20 juillet, 2010

Au début du mois de septembre, Monsieur Leblanc s’installa au 19 de la rue Murat dans un modeste appartement de deux pièces.

Dès les premiers jours, Monsieur Leblanc fut remarqué pour son amabilité envers les gens qui vivaient près de son logis. Il s’empressa de lier connaissance avec sa voisine, Madame Dumortier qui jugea cette attention du meilleur effet. Monsieur Leblanc la félicita de la beauté des géraniums dont il avait remarqué la couleur pourpre à son balcon. Madame Dumortier fut particulièrement touchée par le sens de l’observation et la compétence florale du nouveau venu. Elle pensa que cet homme était d’une politesse délicate et d’un abord courtois, ce qui laissait envisager une coexistence plus agréable qu’avec son prédécesseur, l’infâme Monsieur Boursicot, dont le départ précipité au mois de mai vers l’autre monde n’avait pas chagriné Madame Dumortier ni d’ailleurs ses commères habituelles.

Madame Dumortier s’empressa de faire part de ses impressions favorables dans les boutiques commerçantes qu’elle fréquentait assidument. Selon les critères de Madame Dumortier, Gérald Boursicot avait des manières frustes qui dénotaient une éducation approximative et une connaissance très vague des convenances de rigueur dans une vie en société paisible et raffinée. Le comble du sans gêne était atteint chaque samedi, lorsque Gérald Boursicot cuisinait des sardines grillées dont l’odeur infestait pendant tout le week-end la cage d’escalier de son immeuble, voire même selon les dires de la femme du boucher, toute la longueur de la rue ! La puanteur lancinante qui se dégageait alors de son antre ne prédisposait pas à entretenir de bonnes relations avec Monsieur Boursicot qui d’ailleurs s’en fichait totalement.

Personne ne fut étonné quand la rumeur publique révéla le passé anarcho-trotskyste de Monsieur Boursicot. Selon les principales têtes pensantes du quartier qui se rencontraient devant les étals du marché chaque semaine, une telle pensée philosophique portant un nom aussi compliqué à prononcer, confirmait indiscutablement le comportement  asocial et le goût pour la friture de Monsieur Boursicot.

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