Un sauvetage courageux
8 juillet, 2010Les passants qui croisent Martin Patouillard en cet après-midi d’avril sur les grands boulevards, pensent qu’il est un homme heureux. Du moins, c’est ce qu’ils imagineraient s’ils se donnaient la peine de prêter attention aux silhouettes qu’ils côtoient au lieu de poursuivre leur chemin, indifférents au monde qui les entoure.
Martin Patouillard a décidé de profiter avec allégresse d’une liberté indue qu’il s’est octroyée frauduleusement. Les deux mains plongées dans son blouson de cuir, il déambule la démarche légère, le nez au vent, la crinière blonde en bataille et l’œil guilleret aux aguets, prêt à profiter de tous les spectacles insolites de la rue. Contrairement à ses congénères, Martin dévisage gaiement tous ceux qu’il croise.
Il trouve que les petites étudiantes sont charmantes dans l’air doux de ces premiers élans de la belle saison. Elles se ressemblent un peu toutes, mais elles sont charmantes néanmoins. Aujourd’hui, Martin a l’impression qu’il aurait du mal à trouver une jeune fille franchement vilaine. Il a presqu’envie de les aborder. Juste pour savoir le secret qui les rend si attirantes. Les démarches sont souples, les silhouettes se tordent de rire en se pressant les unes contre les aautres. Les classeurs et les dossiers, serrés contre elles, soulignent les poitrines naissantes. Les cheveux soyeux dessinent d’une belle arabesque des fronts d’enfants. Les joues rosies sont lisses et fraîches. Parfois un fin bijou orne un nez mutin ou une oreille joliment dessinée.
De temps à autre, des groupes de jeunes débordent un couple de retraités clopinant. Lui appuie son dos vouté sur une canne orné d’un pommeau d’argent. Il soulève galamment son chapeau en croisant une connaissance, comme dans le temps. Elle, toute menue, a soigné la mise en pli de ses cheveux blancs et lui donne le bras en progressant à petits pas.