Archive pour juin, 2010

Les états d’âme du cardinal

10 juin, 2010

Le cardinal Jeanjean portait un secret. Un lourd secret comme tous les secrets pour cardinaux d’Eglise. Le cardinal Jeanjean se disait parfois, pour se détendre, qu’il faudrait inventer les secrets légers à porter de la même manière que les grands couturiers ont su travaillé de nouveaux tissus dont il est agréable de se vêtir. Malgré son mètre quatre vingt trois et ses cent douze kilos hérités d’un passé rugbystique dans le quinze de Carcassonne, il était un être d’une grande sensibilité. Le cardinal Jeanjean peinait sous la charge des confidences qu’il avait recueillies. 

Parfois, il en discutait avec ses pairs pour se sentir moins écrasé. Les cardinaux plus expérimentés que lui répondaient qu’ils étaient eux-mêmes les détenteurs de confessions pesantes. Le cardinal Jeanjean aurait aimé délivrer son esprit, mais ses congénères lui démontraient qu’un secret dévoilé n’était plus un secret et qu’il convenait donc que chacun garde secrets ses secrets. Un beau matin, le cardinal Jeanjean frotta d’un geste auguste son front dégarni, fixa de ses yeux bleus comme les cieux du paradis son missel, agenouilla sa grande stature fatiguée devant la croix, et pria. 

Sans outrager les préceptes de la religion, on ne peut pas dire que l’opération lui fut d’un grand secours. Une idée lui vint pourtant.

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Liens utiles

9 juin, 2010

Ce jour là, il tombait des cordes.

En regardant les chaînes de télévision défiler sous ses yeux.

Jules se disait qu’il fallait qu’il tranche le nœud gordien.

Il connaissait toutes les ficelles de son métier.

Son travail était toujours tiré au cordeau.

Mais aujourd’hui, il se sentait pris dans les mailles du filet.

Comme un chien tenu en laisse.

Il était sur le point de péter un câble.

Peut-être allait-il larguer les amarres.

De fil en aiguille, il se dit qu’il allait se recoucher.

 

Un retour gagnant

8 juin, 2010

Le retour du Graal se faisait attendre. Le roi Arthur manifestait de plus en plus souvent sa mauvaise humeur. Les chevaliers fidèles vieillissaient autour de la Table Ronde. Lancelot, parti depuis des années, ne donnait aucun signe de vie. 

Pour animer la vie à la Cour, les aventures chevaleresques qui enflammaient autrefois les cœurs des jeunes nobliaux se faisaient de plus en plus rares. Les histoires minables de couples déchirés rivalisaient avec les conflits nés de dettes de jeu et d’honneur entre chevaliers adipeux, sales et fainéants.  En attendant un miracle salvateur, le roi Arthur se débattait dans des débats domestiques dont la médiocrité entachait son prestige et la légende qu’il entendait construire autour de sa personne. 

Les caisses du Royaume étaient vides. Elles ne suffisaient plus à l’organisation des banquets, des tournois, et autres joyeusetés dont ses courtisans étaient friands, voyant dans ces manifestations l’occasion de jauger le degré qu’ils occupaient dans la hiérarchie des seigneurs qui gravitaient autour de la personne royale.  De plus la reine Guenièvre, souffrant des atteintes de l’âge, dépensait des sommes folles en parures ou toilettes qu’elle ne portait qu’une seule fois ou en onguents qu’elle faisait venir de très loin pour affermir les traits de son corps et de son visage afin que la splendeur de son regard et de son attitude éblouisse à jamais le cœur des chevaliers toujours aussi attentifs à la moindre attention qu’elle se plaisait à leur porter. Parfois ! 

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Salon de lecture

7 juin, 2010

Au début le couple de Lucien et Louise était exemplaire.

Chacun lisait dans le grand livre des pensées de l’autre.

Et puis, la situation s’est dégradée.

Très vite, Louise chapitrait Lucien pour des détails.

Lui non plus ne mâchait pas ses mots,

En mettant l’accent sur la paresse de Louise.

Les frasques amoureuses de l’un et de l’autre faisaient couler beaucoup d’encre.

Lucien déclara que leur union n’était pas inscrite dans les saintes écritures.

Il a fallu tourner la page.

Et mettre un point final à leur aventure.

Le complot (partie III – suite et fin)

6 juin, 2010

..Ou qui était François Ravaillac ? 

Taillandier arpentait le pavé tout à ses pensées quand il s’engagea sans vraiment prendre garde dans un passage étroit. A ce moment, deux hommes, enveloppés de capes, le visage dissimulé par un feutre aux amples bords, surgirent et fondirent sur lui. Taillandier, surpris, n’aurait pu échapper à leurs épées si Marcus, plus vif que l’éclair n’avait déjà lancé deux coutelas d’un seul jet, qui allèrent se ficher dans la poitrine de chacun des deux intrus, lesquels s’écroulèrent sans un cri.

Taillandier, homme de sang-froid, se tourna vers Marcus :

 J’ai failli attendre Marcus !…

Ce mot plaisant était sa façon à lui de se détendre, tout en remerciant son valet qui venait de lui éviter un trépas qu’il jugeait bien prématuré.

Taillandier résuma pour lui-même une situation qui s’éclaircissait à chacun de ses pas : il n’était plus en sécurité à Paris puisqu’il avait débusqué un véritable complot d’Etat alors qu’il avait pour seul ambition de mener une petite enquête de dimension provinciale.

Le soir venu, Jean Taillandier s’attabla devant ce qu’il considérait comme la récompense d’un séjour mouvementé dans la capitale, une omelette au lard fumé concoctée par Maître Marin et Dame Marin dont c’était la spécialité, arrosée d’un cidre doux de leur Normandie natale. Taillandier s’essuyait la bouche d’un revers de gant quand un jeune gamin au visage étoilé de tâches de rousseur, après avoir ouvert la porte de l’auberge à la volée, se précipita sur lui en tendant un message.

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Une saleté propre

5 juin, 2010

La petite poussière aimait à voler dans les rayons du soleil.

Il fallait juste éviter de se faire prendre par cette saleté de dépoussiérant,

Manipulé par la fermière qui ne manquait jamais l’occasion de lui faire une crasse.

Elle se réfugiait souvent dans l’enclos aux cochons qu’on appelait la cochonnerie.

Elle y rejoignait ses compagnes : s’accumuler en couches, c’était leur tâche !

Souvent, elle se posait sur le linge qui dégouttait aux fenêtres

Ou alors sur le vêtement de Jeannette, la servante, une vrai souillon.

La patronne, une personne imposante par sa graisse,  traitait Jeannette d’ordure.

Mais Jeannette n’aimait pas qu’on la traîne dans la boue.

La petite poussière se ligua avec ses amies pour maculer les robes de la fermière,

Et salir sa réputation.

Dans ses meubles

4 juin, 2010

Dans sa maison de campagne, Pierre tenait table ouverte.

Il y invitait beaucoup de monde, même Géraldine, sa secrétaire.

Il dressait ses buffets campagnards dans le jardin fleuri.

Dans le village, il placardait des affiches pour indiquer le chemin de sa demeure.

Il suffisait de franchir le lit de la rivière.

Parfois, une bergère du village assurait le service.

Maria, son amie entretenait la conversation : c’était une causeuse.

Lui, observait son monde comme dans un fauteuil.

Le lendemain, il pouvait en parler au bureau.

Ce manège dura des lustres !

Faisons route ensemble

3 juin, 2010

Maurice Poulard part en vacances le 14 juillet. Ni avant ni après. Il est ainsi sûr de rencontrer le plus grand nombre possible de bouchons autoroutiers. De plus, il sait qu’en démarrant au milieu de la matinée, il pourra cotoyer le maximum de vacanciers sur la route. 

Cette année est conforme à la règle. Grâce au ciel, la régulation autoroutière n’a réalisé aucun progrès. Strictement aucun. Heureusement, il y a longtemps qu’on ne parle plus d’étalement des congés. 

 Vers midi, la température s’est élevée bien au-dessus des normales saisonnières comme dit la dame de la météo.  Comme à son habitude, Maurice a revêtu son tricot de corps blanc, l’un de ceux que portait son père durant la retraite de 40. Le vêtement, si l’on ose ainsi baptisé la chose qui entoure son corps malingre, est déjà imprégné d’une sueur nauséabonde et collante, lorsque Maurice décide d’arrêter sa Mondéo surchargée sur l’aire autoroutière de Saint-Rambert-d’Albon. 

La constitution de Maurice est ainsi faite au grand étonnement du corps médical : bien que ses os proéminent dans toutes les parties de son anatomie, sa chair trouve encore le moyen de transpirer abondamment dès que le thermomètre marque plus de 25 degrés. Surtout lorsque Maurice est excité. Marinette sa moitié, pèse en fait le double de son poids. Sous l’ardeur de ce soleil de juillet confortée par sa réverbération sur le ruban d’asphalte, elle aussi dégouline l’eau de son corps sous son chapeau de paille. De temps à autre, elle doit même éponger ses lunettes à double foyers pour préserver une vision convenable. En regardant autour d’elle, elle répète à l’envi qu’on est si bien en vacances !

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Double jeu

2 juin, 2010

Jojo aime les spectacles de french-cancan.

Il y emmène souvent sa tata,

Ainsi que son ancienne nounou.

Devant ces filles qui dansent, il reste baba.

Dans la vie, John est plutôt un garçon plan-plan.

Adolescent, il fréquentait les fêtes de village pour écouter les flonflons

Ou alors il disputait des tournois de ping-pong

Ou encore il allait au cinéma voir la série des Sissi

Aujourd’hui,  il est papa,  installé dans la vie : un bobo quoi !

Le complot (partie II)

1 juin, 2010

Ou qui était François Ravaillac ? 

Taillandier était pénétré de l’exigence de justice. Il savait que cette vertu réclamait abnégation et volonté. Il avait horreur de laisser une affaire sans suite et encore plus de ne pas mettre la main sur un assassin en liberté, ou du moins de ne pas établir son nom avec certitude. En l’espèce, il était presque certain que Ravaillac avec quelque chose à voir avec les tueries de filles mères qui étaient survenues dans la paroisse de la Brie, près d’Angoulême. Il aurait suffit qu’on lui laisse interroger l’homme pendant quelques minutes. Les Grands du Royaume ne l’avaient pas entendu de cette oreille. Par ailleurs, Taillandier était extrêmement surpris de la célérité avec laquelle ils avaient arrêté, jugé et exécuté François Ravaillac. Tous ces éléments réunis lui laissaient une impression de malaise et d’inachevé. 

 Il n’était pas homme à se laisser découragé par les évènements et entendait bien poursuivre son enquête même si le bourreau lui avait, en quelque sorte, volé son principal témoin et si celui-ci, qu’il soit ou non l’assassin qu’il cherchait, ne connaîtrait plus jamais la liberté.

Le Pont-neuf était encombré de marchands, de jongleurs, de soldats en armes discutant ou se chamaillant entre eux quand Taillandier l’aborda tout en poursuivant sa réflexion sur la meilleure manière de poursuivre son travail.

Alors qu’il dépassait avec difficulté un marchand de vin qui roulait bruyamment un tonneau sur la pavé, il fut bousculé par une silhouette de moine qui s’enfuit immédiatement dans la foule, après lui avoir murmuré distinctement :

-          Ce soir, à minuit, au Cimetière des Saints-Innocents

L’incident avait été si vif qu’il avait surpris Marcus pourtant prompt à réagir ordinairement. Il avait dégainé sa dague d’un geste décidé, mais le moine vrai ou faux s’était déjà évanoui dans la foule. Taillandier ordonna à Marcus ne pas poursuivre l’apparition. Celle-ci l’avait prise au dépourvu, mais en même temps, il se réjouissait : enfin, sa venue à Paris dérangeait ou appâtait quelqu’un. Il ne savait pas encore qui se cachait derrière l’invitation du moine, mais cette mystérieuse apparition le tirait d’une situation bien embarrassante depuis que son seul témoin, éventuellement coupable, venait de trépasser.

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