Une incroyable aventure
27 juin, 2010Duchemin m’a demandé si je rigolais. Je lui ai répondu que je n’en avais ni l’air ni l’envie. Il en est resté sidéré, puis dans un souffle rauque a murmuré :
- Ça, alors !
Odette est arrivée au mois de janvier dans notre classe de terminale. Si j’ai bien compris, sa famille venait de Tchécoslovaquie, fuyant l’avancée des chars soviétiques. Ce seul haut fait d’armes m’attirait déjà vers elle. Mais il eut pire. Lorsqu’elle fit son apparition dans la classe de français de Monsieur Pierron, nos regards se sont croisés alors qu’elle prenait place dans une rangée adjacente à la mienne et j’eus comme un éblouissement. Même lorsque j’avais fait la connaissance d’Amélie l’été précédent, je n’avais pas connu une telle sensation. C’est dire !
Dès la récréation suivante, je témoignai de mon émoi à Xavier Duchemin, mon compagnon habituel de bordée. Duchemin n’en revint pas. D’où sa stupeur.
Odette était une grande fille maigrelette, efflanquée et vaguement scoliotique. Son visage marqué par les insignes cruels de l’adolescence était particulièrement disgracieux surtout lorsqu’elle ouvrait la bouche laissant entrevoir une dentition inégale et jaunâtre. Ses cheveux, si l’on peut les dénommer ainsi, évoquaient le dos du hérisson ou de la brosse à chiens dents. En un mot, Odette était laide.