Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand? (15)
15 juin, 2010Moi, je serai Arsène Lupin ou le Commissaire. Ou alors les deux. Pour un enfant des cités, ce sera une réussite sociale exemplaire. On pourrait s’attendre à ce que je devienne un bandit des grands chemins ou bien, qu’avec mon type basané, mon nom d’outre-mer et mon adresse de banlieue, je finisse dans un gangstérisme urbain de petite envergure, dans des trafics minables ou des vols pitoyables du tiroir caisse de boutiques sordides. Eh bien non ! Quitte à me mettre hors-la-loi, autant élever le niveau !
Je ne m’attaquerai qu’aux riches, avec élégance, distinction et subtilité. Sur le plan des incendies de voitures, je n’allumerai rien en dessous d’un niveau de standing correspondant à la Golf GTI. Ensuite, le lendemain de mon méfait, je prendrai garde à envoyer des fleurs au propriétaire si c’est une femme ou alors une photo souvenir du véhicule parti en fumée, si c’est un homme. J’y adjoindrai même la carte d’un excellent assureur de mes amis qui me reversera une part du bénéfice gagné, bien entendu. On peut exprimer sa colère contre l’injustice sociale, mais il n’est pas interdit de se défouler avec classe !
Sur le plan des conduites addictives, il faut absolument préserver la santé des adolescents de nos cités. D’ailleurs, si on les appelle « quartiers sensibles », c’est bien parce qu’il ne faut pas trop bousculer leurs habitants. J’orienterai évidemment mes commerces de produits illicites à la seule destination de la jeunesse dorée du centre ville. Toujours avec délicatesse évidemment. Lorsque les jeunes gens de la haute société ne pourront plus se passer de me produits, j’enverrai eux parents une liste des centres de désintoxication les plus proches, c’est tout de même la moindre des choses ! Et puis, à leur sortie, ils pourront de nouveau faire partie de ma clientèle habituelle.