Les états d’âme du cardinal
10 juin, 2010Le cardinal Jeanjean portait un secret. Un lourd secret comme tous les secrets pour cardinaux d’Eglise. Le cardinal Jeanjean se disait parfois, pour se détendre, qu’il faudrait inventer les secrets légers à porter de la même manière que les grands couturiers ont su travaillé de nouveaux tissus dont il est agréable de se vêtir. Malgré son mètre quatre vingt trois et ses cent douze kilos hérités d’un passé rugbystique dans le quinze de Carcassonne, il était un être d’une grande sensibilité. Le cardinal Jeanjean peinait sous la charge des confidences qu’il avait recueillies.
Parfois, il en discutait avec ses pairs pour se sentir moins écrasé. Les cardinaux plus expérimentés que lui répondaient qu’ils étaient eux-mêmes les détenteurs de confessions pesantes. Le cardinal Jeanjean aurait aimé délivrer son esprit, mais ses congénères lui démontraient qu’un secret dévoilé n’était plus un secret et qu’il convenait donc que chacun garde secrets ses secrets. Un beau matin, le cardinal Jeanjean frotta d’un geste auguste son front dégarni, fixa de ses yeux bleus comme les cieux du paradis son missel, agenouilla sa grande stature fatiguée devant la croix, et pria.
Sans outrager les préceptes de la religion, on ne peut pas dire que l’opération lui fut d’un grand secours. Une idée lui vint pourtant.