Archive pour mai, 2010

Histoire humaine

11 mai, 2010

Maurice est un homme du monde,

Il a horreur des filles faciles.

Il vient de rencontrer Amélie, qui ne joue pas aux femmes fatales.

Le  garçon de café apporte leurs consommations.

Maurice lui trouve l’allure d’un individu louche.

Amélie pense que l’homme pourrait être un personnage de roman.

Il serait un triste sire qui s’en prendrait à des adolescents boutonneux.

Maurice pense qu’Amélie connait bien les êtres humains.

C’est peut-être elle, la personne idoine.

Qu’est-ce que tu veux faire quand tu sesras grand ? (12)

10 mai, 2010

Moi, je serai le type qui parle vite ou alors qui ne parle pas. Ça dépendra des jours. Chaque fois que le soleil se lèvera, tout le monde se demandera si c’est un jour où je vais m’exprimer ou alors si j’ai envie de me murer dans le silence pendant vingt-quatre heures. Je ne le saurai moi-même qu’au dernier moment. Ce sera comme ça, ce sera ma nature. Rebelle et imprévisible, ça devrait plaire aux femmes.

Lorsque je bavarderai, il faudra que mon débit de parole soit comparable aux flots tumultueux du torrent de la montagne. Parler vite, ce sera une obligation parce que, dans mes bons jours, je serai animateur de radio. De radio pour jeunes évidemment, je n’envisage pas d’animer les soirées de maisons de retraite. Les animateurs de radio pour adolescents parlent à toute vitesse, il suffit de les écouter pour s’en rendre compte. Ils sont payés au nombre de mots par minute. Mon père affirme qu’on ne comprend rien à ce qu’ils disent. Peut-être mais enfin, c’est le style jeune et, de plus, c’est probablement fait exprès. Bien évidemment au-delà de 35 ans, on ne comprend rien.

Je m’entraîne dur pour parler aussi rapidement. Je bute souvent sur les mots. Une bonne technique consiste à ne pas prononcer toutes les syllabes ou alors de mettre d’autres sons à la place de ceux qui gênent l’élocution. Quand le mot est trop long, il ne faut pas hésiter à le tronquer. Et puis, il faut perdre cette habitude d’articuler, ouvrir la bouche trop fortement fait perdre un temps fou.

Quand je serai suffisamment connu à la radio, je passerai animateur à la télé. Alors là, non seulement il faut discourir comme une flèche qui serait dotée de la parole, mais encore il faut rire. Plus exactement, il faut inviter un grand nombre de gens célèbres autour d’une table dont le rôle sera de rire. Je les interpellerai, ne les laisserai pas me répondre, quelqu’un d’autre m’interrompra, je continuerai à parler. Plus personne ne s’entendra et à un moment donné, un signal magique interviendra qui obligera chacun à s’effondrer de rire, ce qui fait que, non seulement, le téléspectateur n’aura pas pu suivre le laïus des invités, mais encore, il n’aura pas la moindre idée du motif de l’hilarité générale. Si l’on ajoute à cette cacophonie, les applaudissements d’un public trié sur le volet et chargé de rire quand on lui dira de s’esclaffer, je pourrai, moi aussi, réussir une émission complètement inaudible. Pour faire monter l’audimat, je pourrai quand même laisser passer quelques histoires plutôt polissonnes, très courtes, qui déclencheront évidemment des flots de rigolades les plus vulgaires possible. J’ai un copain dans la classe qui a les mêmes idées que moi. A nous deux, nous allons mettre en place un concept complètement décadent.

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A table!

9 mai, 2010

Marius avait de la bouteille : on ne pouvait pas lui en raconter.

Il avait également un bon coup de fourchette : il traitait toutes ses affaires au restaurant.

Ce jour là, nous étions au plus fort de l’automne : un brouillard à couper au couteau était tombé sur la ville.

Marius dinait avec à un extraterrestre fraîchement débarqué de sa soucoupe volante.

L’être vert et rouge dévora sa petite cuillère en entrée.

Marius l’informa qu’il préférait les crudités, la quincaillerie n’était pas sa tasse de thé.

L’entité surnaturelle ne voulait pas rester en carafe sur Terre.

Marius mit les pieds dans le plat : il n’avait pas de départ en fusée en stock pour le moment !

Le Martien devrait donc se mettre à couvert pendant quelque temps !

Une histoire très morale de pépé Marcel

8 mai, 2010

Marie, Jérémy et Jonathan se sont assis sur le parquet, autour du fauteuil de pépé Marcel. Ils aiment bien pépé Marcel. Avec ses cheveux blancs qui partent dans tous les sens et sa petite lueur malicieuse au coin des yeux, il est rigolo, pépé Marcel. Et puis, il raconte bien. Parfois, il s’embrouille un peu ou bien il se trompe, souvent il emploie des mots compliqués que Marie, Jérémy et Jonathan ne comprennent pas du haut de leurs dix ans, mais il y met une telle conviction qu’il en est comique. Les enfants adorent surtout que pépé relate les histoires du temps où il était fonctionnaire.

-          Du temps où j’étais fonctionnaire…

Ça y est, il est parti, le pépé. Chacun se cale sur un coussin, ça a l’air intéressant !

-          Du temps où j’étais fonctionnaire, vers les années 2000, personne ne travaillait beaucoup. L’essentiel était de faire croire qu’on était indispensable !

Au début du siècle, en effet, l’atmosphère dans les bureaux de l’Etat était assez particulière. Les hommes et les femmes de ce temps là étaient pressés de grimper dans la hiérarchie pour accéder à plus de pouvoir et de considération. Pour avoir une chance, il fallait donc se faire bien voir des chefs pour devenir encore plus chef que ces derniers ! Le problème était que, très absorbés par le temps qu’ils consacraient à courtiser assidûment leurs supérieurs, les fonctionnaires n’avaient pas vraiment le loisir – si l’on ose dire – de travailler. Chacun devait donc élaborer des stratagèmes habiles pour faire croire qu’il assumait avec énergie et constance de très lourdes responsabilités.

Pris dans cet engrenage infernal, les fonctionnaires avaient donc inventé des mots ou des expressions qui leur permettaient de dire qu’ils abattaient un ouvrage considérable tout en ne faisant rien ou presque :

-          Je n’ai pas le temps… Plus tard !… Plus tard !

-          J’ai des dossiers très lourds…

-          En ce moment, je ne touche plus terre !…

-          Le patron m’a confié une affaire stratégique…

-          Je viens de voir le patron… Figurez vous qu’il m’a dit que…

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Bavardages

7 mai, 2010

Le vent murmure dans les arbres.

A l’oreille des oiseaux qui  lui répondent en gazouillant.

Le chat aimerait bien ronronner tranquillement.

Mais le ruisseau susurre entre les galets.

La vache marmonne dans le pré

Tandis que le train s’éloigne en sifflant.

Le bébé balbutie en jouant

Devant le perroquet qui baragouine.

Seul le poète soliloque

On l’appelait le Maître.

6 mai, 2010

Il mesurait tout.

Dans son laboratoire, il était le maître des lieux.

Il était entouré de pluviomètres et de thermomètres.

En tout lieu, il maitrisait l’étude de la distance entre deux points ou la mesure de la quantité d’un produit.

 Il faisait souvent des remontrances à sa femme : « Tu mets trop de sel dans la soupe ! ».

Quand il prenait le métro, il mesurait encore sa vitesse de pointe.

Il était entouré de plusieurs décamètres de dossiers chiffrés.

Il ne savait d’ailleurs plus ou les mettre.

 

Figuration

5 mai, 2010

Jeanne  demanda à Pierre s’il voulait sa photo.

Pierre dit qu’il allait y avoir une explication des gravures entre eux.

Jeanne  n’appréciait  pas de faire tapisserie.

Pierre lui répondit  qu’elle n’avait rien compris au tableau.

Jeanne  s’énerva. Pourtant elle était parfaite, sage comme une image.

Pierre lui reprocha d’employer trop de clichés.

Finalement, ils se réconcilièrent en se faisant une toile.

Puis en allant admirer les estampes japonaises de Pierre.

Un conférencier dans la mélasse

4 mai, 2010

Pour « Louis XI, un roi doué et roué », il avait réuni quinze auditeurs. Trois étaient partis avant la fin. Deux s’étaient endormis. Cinq avaient passé leur temps à regarder leurs téléphones portables. Un autre avait rédigé son courrier.

Pour l’Ouzbékistan, « A la recherche des contes des milles et une nuits », il avait battu son record à la salle des fêtes de Pont-sur-Yvette : vingt-huit spectateurs dont une classe de troisième, attirée par la connotation sensuelle du titre de sa conférence.

De quoi faut-il parler pour intéresser les gens ? Non, mais de quoi faut-il donc leur parler ? Il n’allait tout de même pas commenter le championnat de Ligue 1 !

Lucien est frappé d’une idée : il va faire un exposé sur le caramel. C’est important le caramel ! On parle toujours des bêtises de Cambrai du nougat de Montélimar ou du calisson d’Aix ! On a l’impression qu’il faut que les confiseries soient attachées à un terroir pour être délicieuses. Mais le caramel est universel. Il est de n’importe où le caramel ! Bien qu’on ait tenté de se l’approprier du coté d’Isigny ! Lucien va brillamment démontrer que contrairement au trou, le caramel n’est pas normand ! C’est d’ailleurs bien dommage pour lui. Le caramel souffre d’une renommée insuffisante justement parce que sa notoriété dépasse toutes les frontières. Le caramel n’a pas un air de pays provincial comme la crêpe bretonne !

Il intitule déjà son exposé « La révolte du caramel ». Normalement, il devrait intéresser tous ceux qui ont envie de vivre leur rébellion contre la société à travers les mésaventures du caramel ! Ça devrait faire du monde, ça !

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La mouche se distingue encore !

3 mai, 2010

L’autruche répète que, contrairement à ce qu’on dit d’elle, elle ne fait pas de politique !

Le pot approuve. Il n’est pas sourd : il l’entend bien ainsi.

La pie, quant à elle, restera muette. A la surprise générale !

La taupe est là aussi : elle tient tout le monde à l’œil.

Le lapin sort de son chapeau pour s’inquiéter des évènements.

L’éléphant arrive également. Il vient du magasin de porcelaine où il n’a rien cassé, pour une fois.

Il est amnésique,  le pauvre ! Il ne se souvient plus de ce qu’il voulait y acheter.

Le chat revient de ses congés qu’il a passé dans les gorges du Verdon.

Le chien participe au débat : on l’a chassé du jeu de quilles sous des prétextes futiles.

Seule la mouche s’est excusée : elle doit s’occuper du coche.

Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand? (11)

2 mai, 2010

La vie est ainsi faite que j’ai des idées bizarres en tête, parfois même contradictoires. Jeremy, mon copain depuis la maternelle, me rappelle fréquemment que je suis un être sympa mais que je gagnerais à être un peu plus rationnel.

J’aimerais être manchot. Pas pingouin, mais manchot, c’est le seul oiseau qui ne vole pas mais qui nage. C’est comme si un avion jouait à être un sous-marin.

J’hésite encore sur la catégorie qui m’intéresse. Le Gorfou Macaroni est affublé d’un nom de pâte qui me plait bien : ce serait amusant de s’appeler ainsi. Le Manchot à jugulaire a l’air d’avoir une petite casquette sur la tête avec une fine bande noire sous son bec qui semble la retenir : on dirait un gardien de but. Le petit manchot bleu est doté d’une couleur qui fait rêver. Mais il est vrai que devenir Manchot Empereur est, si j’ose dire, la voie royale pour accéder à la grande fratrie des manchots. Je pourrais même peut-être faire du cinéma.

Le manchot est un être particulièrement sociable, singulier, curieux, qui se laisse facilement approché. On a toujours l’impression qu’il s’intéresse à ce que vous lui dites même s’il n’y comprend rien, contrairement à de nombreux humains qui, selon Papa, s’en fichent complètement surtout quand votre discours diffère du leur. Je ne dénonce personne, mais selon mon père, Monsieur Duvillard, son patron, n’écoute jamais les suggestions pourtant astucieuses qu’il tente de lui présenter. Duvillard ne pourra jamais intégrer le peuple manchot. Papa le pense également, mais il n’estime pas opportun d’en informer Duvillard. Enfin pas dans l’immédiat.

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