Le voleur de phrases célèbres
23 mai, 2010L’ombre enjamba sans difficulté le chambranle de la fenêtre du salon après avoir découpé habilement au diamant l’espace qui allait lui permettre de manœuvrer l’espagnolette d’une main longue, souple, experte et gantée. La silhouette se glissa à l’intérieur de la pièce sans un bruit.
Comme d’habitude, le voleur avait préparé de façon très professionnelle son expédition. Il avait constitué un dossier complet sur le propriétaire des lieux, un vieil aristocrate terrien qui avait fait fortune dans des affaires d’import-export particulièrement louches, peu utiles à l’économie nationale, mais très juteuses pour leurs protagonistes.
Le cambrioleur, pour l’appeler per son nom, s’était invité par relation interposée au mariage de la petite nièce du châtelain ce qui lui avait permis de disposer d’un repérage très précis des pièces du château. Le vieux se méfiait de tout, surtout des banques. Il conservait une bonne partie de ses titres et liquidités dans un coffre dissimulé derrière un Utrillo de la meilleure époque, pendu au mur de son salon.
L’ombre dont nous parlons travaillait avec une méticulosité minutieuse et une tranquillité qui aurait exaspéré n’importe quel apprenti malfrat. On pourrait même parler de décontraction totale tant elle était sûre de chacun de ses gestes. Les chiens de garde à l’entrée du parc avaient été d’une compréhension particulièrement amicale après s’être partagé d’appétissantes escalopes largement arrosées de produit soporifique. L’homme s’était abonné aux bulletins météorologiques les plus compétents. Il fallait qu’il soit certain que les cieux soient lourdement chargés de nuages noirs pendant les nuits où il opérait.