Archive pour mars, 2010

Les choses en ont à dire

21 mars, 2010

 Martha vient de claquer la porte : elle emmène les enfants à l’école avant d’affronter la longue journée de travail qui l’attend au bureau. Dans l’appartement, le vide et le silence résonnent et se répondent. Soudain, l’éponge à récurer la salle de bains débouche dans le salon. Elle n’a pas achevé sa conversation de la veille avec la télécommande.

Le moment des élections approche. Les objets se sont entendus pour désigner démocratiquement le Roi ou la Reine de la Maison parmi eux. La télécommande ne s’est pas trop faite priée pour briguer les suffrages. C’est une candidate sûre d’elle, orgueilleuse et fière. Elle est convaincue d’avoir un destin. Sa campagne électorale est fondée sur une certitude : elle est l’objet le plus convoité des quatre habitants de l’appartement donc le plus précieux. Elle tente d’en persuader l’éponge à récurer. Chacun sait que l’éponge à récurer fait figure de leader d’opinion dans la salle de bains, il est donc particulièrement important de la mettre dans sa poche. L’éponge hésite, elle se gratte le menton, elle se tord dans tous les sens comme pour mieux s’aider à réfléchir. Elle pense que l’enjeu est d’importance et qu’il faut aussi considérer les arguments de la poubelle et des pantoufles.

La télécommande est le fer de lance de la droite traditionnelle. Elle a la main mise sur l’accès aux médias et en particulier à la télévision. Le lecteur de DVD lui est acquis : il lui obéit au doigt et à l’œil, surtout au doigt. De même, les stores électriques ne lui feront aucune difficulté. Ils voilent le jour ou laissent entrer la lumière lorsqu’elle le décide. Elle compte essentiellement sur ses réseaux pour convaincre. Mais son rayon d’action n’atteint pas les quartiers populaires comme la buanderie ou les toilettes où elle récoltera peu de voix.

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Vite! Vite!

20 mars, 2010

Le matin, John prépare son café instantané.

A midi, il mangera un Quick Burger. 

En un clin d’œil, il fait sa toilette et se prépare pour la journée.

En voiture, il passe facilement la quatrième.

Car, le temps est compté : nous ne sommes plus à l’ère des diligences !

Il s’arrête sa femme à la gare, à la dépose minute : Marie doit prendre son rapide.

Il  l’a rencontrée, voilà trois ans dans un speed dating.

Sur le champ, il lui a proposé de l’épouser.

John est prompt à la décision.

Il n’avait pas un sou : il était sec comme un citron pressé.

Depuis, il a fait sa place dans son entreprise à une vitesse fulgurante.

Il travaille dans une société qui livre en vingt-quatre heures chrono.

 

Nos amis les bêtes…

19 mars, 2010

Jean et Pierre jouent souvent à chat perché.

Bien qu’il ait un appétit d’oiseau, Jean court comme un lapin.

Romain arrive à pas de loup pour s’amuser avec eux.

Bien qu’il marche en canard,

Il se bat comme un lion dans  le jeu.

A son tour, Germain entre en piste.

Il est difficile à attraper, c’est une véritable anguille !

Hier, il a connu une fièvre de cheval, mais il est rétabli.

Louis arrive : il joue bien, il est rusé comme un renard.

Marc reste à l’écart : les autres disent que c’est une poule mouillée.

Quelle vacherie !

Les philosophes

18 mars, 2010

En cet après-midi de mai, le soleil irradie les allées verdoyantes du parc municipal. Les promeneurs sont rares en ce jour de semaine. Sur les bancs de bois, les couples de retraités se remettent des frimas de l’hiver. Sur l’étang, des canards chamailleurs se disputent des morceaux de pain laissés par les premiers pique-niqueurs. Les oiseaux piaillent leur joie dans les feuillages déjà touffus. 

Le Philosophe Numéro 1 déambule, les mains croisées dans le dos. Son début de calvitie et sa silhouette ronde montrent qu’il est un homme d’expérience, plus amateur des plaisirs de la table qu’habitué des efforts sportifs. Dans son regard gris et acéré, on lit l’expérience de la vie et le goût de la réflexion. Il a revêtu un col roulé. Comme tous les philosophes du monde, il ne porte jamais de cravate. La cravate est le symbole d’appartenance à un monde de gestionnaires qu’il méprise ou qu’il n’a jamais fréquenté.

A ses cotés trottine le Philosophe Numéro 2. Il est plutôt petit par la taille le Philosophe Numéro 2, mais grand par la culture. Il a beaucoup lu : Kant, Lacan, Freud et même les auteurs modernes comme Onfray ! Son regard de myope est ébloui par la luminosité du ciel. Aussi marche-t-il en regardant la pointe de ses souliers, tout en répondant par onomatopées à la tirade du Philosophe Numéro 1. Le Numéro 2 est habile : il approuve les thèses du Numéro 1 pour le mettre dans les bonnes dispositions qui lui permettront de lui faire part de ses propres idées.

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La Cour s’amuse

17 mars, 2010

Le baron reçoit ses invités dans sa ferme pour faire admirer son troupeau de moutons.

Il prend parfois un bébé dans ses bras.

On dit que c’est l’agneau du baron.

Devant ce spectacle, la baronne ronronne.

De leur coté, les ducs se gaussent  d’une telle mièvrerie.

Les ducs ont la joie, rivée aux corps.

Le valet du baron intervient pour annoncer un  visiteur : « Le prince ! Monseigneur ! »

Le prince est accompagné de la princesse Hibon qui trouve le baron et son amour des bêtes si touchants.

La marquise Tamboul qui revient de Turquie l’approuve.

Une dernière invitée arrive sous la pluie : mais grâce à son imperméable, l’archiduchesse est sèche !

Nous avons été informés de cette scène par un autre noble qui retournait dans son île natale : le Comte Rendu de la Réunion.

Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? (5)

16 mars, 2010

Moi, je serai rien. Pourquoi faut-il toujours se définir par un métier ? Il y a d’autres choses à vivre ! S’il en est ainsi, je préfère dire de moi que je serai rien. Je ne saurai rien faire. Enfin rien qui soit reconnu comme une profession socialement légitime. D’ailleurs, je suis en bonne voie : le prof de maths le dit déjà après avoir examiné avec stupéfaction mes dernières prestations.

On m’objectera sûrement qu’il faut exercer un métier pour vivre. On doit s’insérer dans la société par une activité professionnelle dont on tire un revenu honnête qui permet de subvenir aux besoins de sa famille et d’élever ses enfants dans le but qu’il puisse eux-mêmes participer au grand bal de l’économie nationale dans la position la plus avantageuse possible. Dans le cas contraire, on n’est qu’un assisté qui vit du travail des autres, autant dire aux crochets de la société. Quelle honte !

Nous sommes dans une civilisation où tout est fait pour pousser l’être humain à s’embaucher sous la férule d’un patron et à travailler le plus et le plus longtemps possible. Sauf si l’on a la chance d’être propriétaire d’un capital gigantesque : on est alors soi-même patron et, on fait travailler les autres en leur expliquant, sans vergogne, que c’est pour leur plus grand bien, que l’emploi les libère tandis que l’inactivité les asservit et que pour les augmentations, on verra plus tard. On est ainsi ramené à une situation qui existait au Moyen-âge sauf que les gens ne s’appellent plus pareil.

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Pilosités

15 mars, 2010

Occupé à sa toilette, le chat de Louis léchait sa soyeuse fourrure.

Pendant ce temps,  Louis réfléchissait, allongé dans son duvet.

A un poil près, il avait failli se faire virer de son travail.

Tout compte fait, il se dit qu’il se rasait au bureau.

Il pourrait changer de job : retourner vendre de la barbe à papa à la fête foraine, par exemple.

Le chat qui lapait son lait essuya ses moustaches.

Louis n’était pas du genre à couper les cheveux en quatre !

Il ne se laisserait pas tondre la toison sur le dos !

Il ne fallait pas le prendre pour une po(s)tiche !

C’était décidé : Louis ne se barberait plus au boulot.

Il allait reprendre son métier favori !

Têtue comme une mule

14 mars, 2010

Le baron Dubois-Martin était un escroc, j’en étais sûre. Mon souci c’était qu’il était secrètement amoureux de Mademoiselle Clémentine et quand on sait que le père de cette dernière est juge au Tribunal, je vous laisse deviner les risques d’esclandre dans le beau monde que présentait une situation aussi scandaleuse.

Au début, je pensais que, pour un aventurier, le baron ne se montrait guère téméraire en amour. Je me souviens que le jour du 15 août, lors d’une ballade en landau au bois de Boulogne avec Mademoiselle Clémentine, il a péroré tout au long du chemin, en faisant de grands gestes, saluant les uns et les autres sans discrétion, commentant sévèrement les accoutrements des hommes ou des femmes qu’il ne jugeait pas conformes aux derniers canons de la mode, ou bien encore attirant l’attention de sa compagne sur tel ou tel détail du paysage qu’il jugeait intéressant ou comique. Sa fatuité suintait de son attitude à chaque moment de la promenade sauf pour Mademoiselle Clémentine qui ne s’apercevait de rien et qui, mollement allongée dans le fond de la voiture, s’esclaffait à chacun des mots de l’arrogant.

Pourtant, par un chaud soleil d’été, Mademoiselle Clémentine était éclatante de beauté dans sa jolie robe rose et son ombrelle assortie. Avec ses petits yeux qui se plissaient gaiement quand elle souriait, elle se montrait séduisante et attentive aux plaisanteries de son galant. Mais je sentais bien qu’elle était déçue que ce grand garçon fier et hâbleur ne se décidât pas à aborder le chapitre des sentiments qui la préoccupait fortement.

 En chemin, je m’en suis entretenu avec Gaspard. Le vieux Gaspard, comme d’ordinaire, a marmonné et ronchonné quelque chose d’inintelligible dans sa barbe. En langage « Gaspard », je sais que ça veut dire : « Laisse tomber et mêle toi de tes oignons ».

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Le dîner est servi!

13 mars, 2010

Ils sont tous là, à table.

Même le hussard dine d’une sardine.

L’hispanique pique-nique.

Le jeune déjeune.

Le prince se rince le gosier.

Après l’entrée, le militaire va se taire.

Pierre ouvre la soupière.

Le casse-cou casse la croûte.

Dédé goûte avec dégoût.

L’académicien picore avec son bicorne.

Seul le ranger ira manger à Angers sans danger

Il faut se grouiller!

12 mars, 2010

Marina est en retard : il faut faire vinaigre !

Vite ! Elle se passe du fond de thym, enfin non, de teint !

Aujourd’hui, elle reçoit une huile à son bureau.

Il ne faut pas qu’elle s’endorme sur ses lauriers.

L’homme en question a la moutarde qui lui monte facilement au nez.

S’il n’est pas content son rapport sera salé !

Il parait qu’il a les cheveux poivre et sel.

Que c’est un persil-fleur !

Et que son frère est un gros marin.

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