Le dernier chocolat
2 mars, 2010Henri saisit ce chocolat de Noël entre le pouce et l’index. Il est enveloppé d’un papier métallisé rouge qu’il déplie lentement. Puis il porte à hauteur de ses yeux la friandise en la faisant tourner précautionneusement sur elle-même. Ce chocolat, il l’a choisi parmi ses préférés : noir, fourré à la praline pour atténuer un peu l’amertume. Il sait qu’il sera son dernier, il s’agit de ne pas gâcher l’instant.
En admirant sa forme oblongue, tout lui revient en mémoire. Ses Noëls d’enfant par exemple. L’argent ne coulait pas à flots chez ses parents. On peut même dire que la source était tarie dès le quinze du mois. Mais son père qui travaillait déjà dans l’entreprise se débrouillait pour qu’Henri et ses sœurs trouvent jouets et sucreries dans leurs modestes chaussures lorsqu’ils se ruaient, encore ensommeillés, au pied du sapin traditionnel.
Henri n’en finit pas d’admirer la confiserie qu’il tient délicatement dans sa main.
Plus tard, lorsqu’il a commencé à sortir avec des filles, il avait un truc : le test du chocolat. Celles qui ne supportaient pas le chocolat noir, le seul qu’il considérait comme authentique, n’avaient aucune chance de jouir de sa compagnie. Henri n’envisageait pas que l’extrait du cacaoyer que les Mayas adulaient à l’égal d’un dieu puisse être rejeté par un être humain. Il se souvient de Paula, une superbe créature à la longue chevelure soyeuse. Il en était fou amoureux, mais la belle s’était déclarée intolérante au chocolat noir avec une inconscience inconcevable pour son soupirant ! Henri, le cœur en berne, déclina instantanément toutes les invitations. Il n’était pas possible que sa bien-aimée ne partageât pas ses goûts.