Archive pour février, 2010

Cinquante pour cent

8 février, 2010

Il était le demi de mêlée de son équipe de rugby.

Sa moitié n’était pas une demi-portion.

Elle avait été mariée à un demi-sel.

Elle ne faisait pas de demi-mesure.

Lorsqu’il rentrait après avoir bu plusieurs demis pour fêter une victoire.

Elle lui donnait une demi-heure pour dessoûler.

Sinon, il pouvait faire demi-tour.

Il se plaignit au Tribunal grâce à un avocat à demi-tarif.

Le Juge qui avait pris une demi-pension chez sa femme, le débouta et le dégoûta.

Il lui dit qu’il venait de commettre un déni de justice.

Norbert, chômeur

7 février, 2010

-          Vous comprenez ce que je vous dis ?

Simone est conseillère en placement depuis vingt ans. Elle en a vu défiler des sans emploi : des petits, des grands, des hommes, des femmes, des sans logis, des qui voulaient un emploi au-dessus de leur qualification, d’autres en dessous pour ne pas trop se fatiguer, beaucoup qui faisait semblant de chercher un job… Mais là, elle a en face d’elle Norbert. Enfin quand on dit qu’elle a quelqu’un en vis-à-vis, ce n’est même pas très sur ! Norbert est une ombre, un ectoplasme, une absence.

Si l’on peut dire de certains êtres qu’ils ont une présence, on doit décrire Norbert comme une absence absolue. Au physique, c’est un homme efflanqué, ne sachant jamais que faire de ses bras trop longs, embarrassé par ses jambes interminables qu’il ne cesse de croiser dans un sens puis dans l’autre. Son regard reflète constamment l’effroi comme celui d’un oiseau de proie pris au piège. Il est cerclé de lunettes à la fine monture métallique qui ne convient absolument pas à son visage anguleux et triste. Mais il n’a pas su discuter avec l’opticien qui lui a vendu n’importe quoi, très cher. Ses cheveux déjà gris et constamment gras sont rabattus sans élégance sur le coté. D’ailleurs, on a l’impression qu’il n’a même pas choisi ce coté.

Dès l’enfance Norbert t eu peur de tout. En classe personne ne lui parlait de peur qu’il ne réplique pas puisqu’il ne parlait à personne. Même ses professeurs l’interrogeaient rarement pour ne pas l’affoler. Les meilleurs spécialistes de l’autisme s’interrogeaient sur son cas.  Lorsque Norbert s’exprime, il se terrorise lui-même. Sa voix sort comme un borborygme mou et indistinct. Elle lui semble parfois caverneuse, parfois enrouée d’une raucité insupportable pour son interlocuteur ou encore ridiculement aigue comme celle d’un fausset. Lorsqu’il se lance, Norbert articule mécaniquement des mots qui ne correspondent jamais à sa pensée ou même qui la contredisent complètement. Souvent  il ne comprend même pas ce qu’il dit. En résumé, n’ayant aucune idée de ce qui allait sortir de sa bouche, Norbert préfère la plupart du temps la fermer.

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Travailler plus pour…

6 février, 2010

Maurice était pauvre comme Job.

Mais il a fini par décrocher un boulot.

Désormais, il marne dans la Marne.

A la Poste, il a trouvé un poste.

Sa tâche consiste à faire des tâches sur les murs.

Et à cogner sur les meubles pour faire des bosses : on dit de lui qu’il bosse dur.

Sa rémunération s’élève en fonction de ses méfaits.

Le directeur a inventé cette mission,

Pour montrer que dans son service, on se défonce.

Au travail, on s’emploie à fond ! Non mais alors !

C’est le plombier!

5 février, 2010

Lucien était un poète.

Il avait une bonne conduite mais il n’avait pas inventé l’eau chaude.

Il aimait la chasse.

Souvent, il regardait le ciel pour voir courir les cumulus.

Tout en croquant une pomme.

Un jour son ami lui donna un bon tuyau pour trouver un emploi,

Dans un établissement sanitaire.

Ainsi, il pourrait mieux faire le joint à la fin du mois,

Et faire rouvrir son compteur d’eau.

Ses robinets couleraient de nouveau à flots.

Être amoureux au cinquième millénaire

4 février, 2010

Le 15 décembre 4098, Jean 56436 sortit de la villa dans laquelle il vivait agréablement avec Jenny 98321 au bord du lac sur lequel il aimait à canoter aux beaux jours. Sa tunique rouge vif le désignait comme appartenant à la classe enviée des Performants. Elle moulait à merveille ses pectoraux et sa taille fine, attributs virils qu’il entretenait savamment et quotidiennement dans la salle de sport municipale. Au classement mensuel des citoyens, il occupait régulièrement l’une des cinq mille premières places qui déterminaient l’appartenance de leurs titulaires à la dignité des Performants.

Ce jour-là Jean se disait qu’il devait faire attention : il avait perdu dix rangs en un trimestre et se trouvait désormais quatre mille trois cent troisième. Ses relevés de notes montraient une baisse dans le domaine de la consommation. C’est qu’il fallait être un consommateur très attentif pour être considéré comme un bon citoyen. Cette matière était dotée d’un fort coefficient : la régulation de l’économie nationale en dépendait. Pendant ces dernières semaines, Jean avait su se rattraper dans d’autres domaines. En effet, pour arborer le célèbre uniforme écarlate, il était  nécessaire d’être aussi un bon père de famille, un époux modèle, un amant attentionné, un sportif accompli et bien sûr un travailleur acharné, ne rechignant jamais devant quelques heures supplémentaires ou quelques week-ends studieux quand l’Autorité l’exigeait.

A son passif, Jean avait négligé la campagne publicitaire récente incitant à manger des fraises. Le gouvernement avait orchestrée cette promotion de façon à écouler la surproduction momentanée des maraîchers dont la production était excédentaire. Un décret avait été pris en Conseil des Ministres interdisant d’être allergique aux fraises ! La répulsion de Jean pour ce fruit avait été immédiatement remarquée en haut lieu et cela lui avait coûté une rétrogradation significative au Grand Classement des Citoyens.

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Les choses bougent…

3 février, 2010

A travers les vitres du wagon, le paysage défile.

Dans le ciel, les nuages courent.

La pluie menace.

Ce matin, les ennuis se sont amoncelés.

Le lait a débordé de la casserole.

L’horloge retardait.

Les plombs ont sauté.

Je n’ai pas vu le temps passer.

Mon train était bourré.

Mais bientôt la mer s’avancera vers moi…

Louis et Léonard

2 février, 2010

Dans un pays inconnu, vivent Louis et Léonard. Ils sont amis de puis longtemps. Ils se retrouvent régulièrement dans un parc public, témoin privilégié des épisodes marquants de leurs existences.

Dimanche après-midi. En ce début d’automne, l’air reste doux jusque vers 17 heures. Le soleil joue dans le feuillage roux des marronniers. Louis et Léonard se sont assis sur le banc de pierre où ils aiment se trouver pour débattre. Les habitués déambulent à petits pas dans les allées, c’est l’un des derniers week-ends pendant lequel on pourra sortir avant les frimas de l’hiver.

Le visage de Louis émacié, buriné par le temps et le souci, semble s’allonger encore un peu sous le poids des problèmes qui le préoccupent. Il pince son nez longiligne, indice d’une profonde réflexion.

Louis poursuit une conversation précédente. Il dit que, finalement, il a toujours eu peur de tout. Dès son enfance, il plongeait sous son lit chaque soir pour s’assurer qu’aucun gangster n’aurait eu la fâcheuse idée de s’y glisser dans l’objectif de l’assaillir lâchement pendant son sommeil d’enfant.

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Bébés

1 février, 2010

A la crèche, des barboteuses rencontrent des salopettes.

Des trottinettes croisent des tricycles.

Des sucettes s’échangent contre des réglisses.

Des couches-culottes se dandinent.

Des hochets se déchaînent.

Des biberons se vident goulûment.

Des mains potelées s’agitent vivement.

Des joues rondes et rouges se cherchent.

Des siestes s’endorment.

 

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