Archive pour le 23 février, 2010

La pendule

23 février, 2010

Je suis la pendule électrique de la cuisine. Je marque 6 heures 30 : ils vont arrivés.

La première est la mère de famille, comme chaque matin. Elle s’appelle Odile. Elle n’a pas bonne mine ce matin, Odile. Je crois savoir pourquoi. Hier soir, elle s’est réfugié avec son portable auprès de l’évier. Son amant était au bout du fil, si l’on peut dire ça d’un portable. L’entretien s’est très mal passé. J’ai cru comprendre qu’il ne pouvait plus la voir pour un temps, sa femme semblait se douter de quelque chose, mais si, il tenait toujours à elle, etc….

Odile a du faire bonne figure pour le reste de la soirée puis pleurer en silence pendant la nuit.

La quarantaine, brune, les traits réguliers, le regard qui peut être profond, elle est encore aguichante. Un peu potelée, peut-être, mais aguichante. Dans son peignoir rose, mal coiffée, le teint pâle, je lui trouve un certain charme. Je ne suis qu’une pendule, mais enfin tout de même.

Elle met la radio. Des chansons douces, elle doit avoir envie de se calmer. Le café est mis en route, les pots de confiture, le beurre, le pain, les bols apparaissent sur la toile cirée. Visiblement, elle a décidé de laisser de coté ses soucis sentimentaux et de faire face à la matinée. Elle n’oublie le chat qui se frotte à ses jambes depuis un moment. La minette est son réconfort ce matin. Elle la caresse un peu plus longuement que d’habitude, puis lui sert sa soucoupe de lait sur le carrelage. Le félin est bien entendu aux anges.

Elle boit à son tour son café, le dos appuyé à l’évier. Entre deux gorgées, elle a les yeux dans la vague. Après 15 ans de mariage, elle est un peu déstabilisée Odile. Séduite par un quadragénaire qu’elle a croisé dans un séminaire récent, elle ne sait plus ce qu’elle  doit faire. Elle entend les enfants s’agiter à l’étage, jette le reste de son café à l’évier, puis cherche rapidement à se composer le visage de tous les jours. Mais ça lui coûte à cette pauvre Odile. Déjà des pas se font lourdement entendre dans l’escalier. Je parie que Bertrand, le fils de la maison va pointer le premier à la table familiale.

(suite…)