Archive pour janvier, 2010

Boum!

11 janvier, 2010

Jeannot n’avait  pas inventé la poudre.

Mais il ne fallait pas lui en raconter : il détestait  qu’on lui en jette aux yeux.

Il ne croyait pas aux tours de magie, ni à la poudre de perlin-pinpin

Il vivait solitaire dans sa ferme.

Depuis sa porte, il n’apercevait  que le chemin qui poudroyait.

Un Jour, une femme lui rendit visite après s’être poudrée le nez.

C’était en hiver, il tombait une neige poudreuse.

La nouvelle de leur union se répandit comme une trainée de poudre.

Mais Jeannot avait un tempérament explosif.

Très vite, sa compagne dut prendre la poudre d’escampette.

Ceux qui espèrent

10 janvier, 2010

En cette belle matinée d’automne, Martin le SDF chemine sur les trottoirs de son quartier. Les écoliers courent le cartable au dos. Pour s’abriter de la fraîcheur, les femmes se couvrent de manteaux aux couleurs chaudes tandis que les messieurs vont encore nu-tête, mais sortiront bientôt d’élégants par-dessus pour se rendre à leurs affaires. L’hiver n’est pas loin. Dans quelques semaines Martin aura froid. Il devrait commencer à chercher des cartons pour dormir au chaud.

Il croise le Joueur de Loto qui sort du bureau de tabac, les yeux amoureusement rivés sur un petit rectangle gris qu’il tient entre le pouce et l’index. Comme chaque semaine, il vient de jouer sa date de naissance et celle de son chien. Il embrasse son bulletin, il y croit le Joueur de Loto ! Martin pense qu’il a une chance sur quatorze millions de gagner, il va donc être déçu plus de treize millions de fois.

Plus loin, debout contre un platane, c’est l’Amoureux Transi qui serre son téléphone portable contre son oreille. Il a cet air à la fois béat et timide qui annonce les grands engagements. Martin surprend la fin de la conversation. L’Amoureux Transi dit qu’il avait pensé, « comme ça », que l’on pourrait dîner ensemble demain soir. Comme il se doit dans ce genre de circonstances, il tente de faire croire que l’idée lui est venue de manière anodine et inopinée, sans arrière-pensée précise. Martin fourrage dans sa barbe en haussant les épaules. La scène lui évoque un lointain souvenir, mais il préfère ne pas la commenter.

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La famille de Louis

9 janvier, 2010

Le premier de l’an, Louis recevait les enfants de sa sœur : c’était la cérémonie des vœux des neveux.

Il leur offrait du poisson à diner : on disait que l’on mangeait le thon du tonton.

Puis les neveux prenaient place dans le salon sur les coussins du cousin.

Louis racontait alors ses aventures de jeunesse lorsqu’il campait sous la tente de sa tante.

Ou alors lorsqu’il rejoignait sa mère dans le Midi : il disait qu’il partait vers la mer de sa mère.

Le deux janvier, Louis allait rendre visite à sa fille, malgré le mauvais genre de son gendre.

Ensuite, il se rendait à l’autre bout de la ville, pour voir son fils, dans la rue de sa bru.

Louis avait une parente actrice : le trois janvier, il assistait à la pièce de sa nièce.

Le quatre, il accompagnait la fille de son oncle au travail : il allait à l’usine de sa cousine.

Comme on le voit Louis avait une famille nombreuse….

Ennui

8 janvier, 2010

Ce matin, dans le métro, la scène magique n’a pas lieu. Imaginez un peu : le wagon aurait été bourré : hommes d’affaires en costard, grappes de lycéens chahuteurs, jeunes rappeurs en survêtements, vieilles dames fatiguées. Malgré la foule, la chaleur poisseuse, les mines fatiguées, mon regard aurait rencontré le sien. Assise contre la fenêtre, elle aurait soudain tourné le visage vers moi et ses yeux bleus se seraient illuminés. Elle n’aurait pas souri, mais elle aurait été comme stupéfaite de me croiser dans ces circonstances. Nous aurions échangé timidement quelques mots. Elle prendrait la même rame tous les matins. Nous nous serions dits « A demain ! », et je l’aurais suivi d’un regard mouillé alors qu’elle se serait frayée un chemin dans la foule.

Eh bien ! Non ! Rien. Les hommes d’affaires, les rappeurs, les vieilles dames fatigués sont bien à leurs postes. Mais, elle non. J’essaye de dévisager attentivement un profil finement délié et deux grands yeux noirs éclairés d’une lueur maligne. Mais l’homme qui siége à coté de l’objet de mon attention, lui prend la main d’un geste empressé. Leurs yeux se trouvent amoureusement. Je suis encore refait pour aujourd’hui. En descendant de la rame, j’ai l’impression fugace qu’une jeune fille me sourit. Trop tard, elle est montée, le train part, je reste à quai.

En arrivant au bureau, je fouille en vain ma messagerie : quelques mails d’Outre-atlantique me conseille l’usage du Viagra. J’écoute longuement mon téléphone qui m’assure que personne n’a envisagé de me parler depuis hier soir et regarde avec amertume mon fax muet, les yeux dans les yeux, ou plutôt dans les clignotants. Rien non plus. L’appel de la direction, tôt le matin, celui qui vous fait croire que vous êtes indispensable, qu’il aurait été préférable que vous passiez la nuit au bureau, que vous êtes l’homme de toutes les situations et que vos patrons ont bien de la chance de pouvoir compter sur vous ….. Eh bien, cet appel-là ne mettra pas mon énergie à l’épreuve aujourd’hui. Pire : j’ai tout le temps, comme chaque jour, d’aller prendre un jus à la cafétéria.

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Un grutier pas pressé

7 janvier, 2010

Marius était grutier de son état.

Il aimait son travail : il était souvent pris en photo au pied de sa grue.

Il surveillait l’état de sa machine avec soin pour s’assurer qu’elle ne rouille pas.

Le dimanche, il cultivait son jardin. Il faisait notamment le poireau.

C’était aussi un féru de théâtre classique, il rêvait d’apprendre Racine.

Dans sa maison, il était très ordonné : il briquait tous les jours sa collection de potiches.

Et s’adonnait fréquemment au ménage en faisant tous les matins sa chambre et son antichambre.

Au supermarché ou à la poste, il attendait son tour en respectant celui des autres.

Décidemment, la patience est la vertu indispensable d’un grutier.

       

Poème approximatif

6 janvier, 2010

Il était né dans la Drôme, plus précisément à Tain. 

Homme politique, il  préparait ses discours de bon matin. 

Tout en dégustant d’une main une tarte tatin, 

 Il travaillait assidûment de l’autre son baratin. 

Il employait beaucoup de citations, car au lycée il avait pris l’option latin. 

Sa femme le suivait souvent en robe de satin,   

Tandis que ses filles préféraient aller au patin. 

Ses adversaires le critiquaient, mais il ne se sentait jamais atteint. 

Après ses meetings, il aimait s’attabler devant un bon gratin.

 Avant de s’endormir, il lisait des poèmes, des vrais, pas comme celui-ci : par exemple un bon quatrain.

Les mains

5 janvier, 2010

Les beaux jours viennent de renaître au-dessus de la ville. Dans une chambre de la maternité, un nouveau bébé est né. Il agite sa petite main convulsivement, serre les poings et s’endort. Le père et la mère s’attendrissent au-dessus du berceau puis se retirent sur la pointe des pieds. 

A l’autre extrémité de la place, l’école primaire se cache derrière les premières feuilles des platanes de la cour de récréation. Dans la classe de CE1, le maître vient de poser une question. Des doigts se tendent, volontaires pour répondre. De l’index, l’enseignant désigne Jérémy qui donnera la bonne solution. Pour une fois.

Dans l’Eglise, le Père Dodon achève la messe du soir. Le père Dodon accuse soixante quinze ans, il va bientôt se retirer dans son village natal. Quelques vieilles dames du quartier, vêtues de noir, suivent encore ses offices.  D’un geste fatigué, l’index et le majeur du prêtre s’élèvent dans la pénombre pour bénir les paroissiennes présentes. Le visage baissé, les mains jointes, les femmes recueillies reçoivent le geste du prêtre.

Loin devant lui, dans la clarté du portail de l’église resté ouvert, le père Dodon aperçoit déjà Lucien, adossé au mur, la paume tendue. Lucien, le seul mendiant de la ville, est connu de tous. Le père Dodon l’héberge lorsque le temps devient trop froid, il lui permet aussi de quêter à la sortie de ses messes.

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Y’en a qu’ont des problèmes!

4 janvier, 2010

Germaine lui avait fait une pluie de reproches, puis l’avait quitté.

Sans lui faire la bise.

Il avait senti un vent de douleur lui fouetter le cœur.

Son intestin grêle le dérangeait aussi fortement.

Dans sa précipitation à partir, Germaine avait oublié son thermomètre.

Il prit sa température.

Il n’était pas vraiment malade mais se trouvait dans le brouillard.

En espérant oublier, il se tourna vers la drogue : il acheta un peu de neige.

Pendant tant d’années, il avait vécu sur un petit nuage !

Il s’attira une avalanche d’ennuis avec la police des stupéfiants.

Mais après l’orage, reviendrait surement le beau temps.

Pour qui je me prends

3 janvier, 2010

-    Comment ça, mon management est nul ?

Dumortier vient de rougir fortement. J’observe avec inquiétude une grosse veine bleue se dessiner au-dessus de son col de chemise. J’ai l’impression qu’il va transpirer. Pendant que j’y suis, je lui dis qu’il s’habille de manière trop étriquée. Au lieu de masquer son embonpoint, il l’accentue. Ses lunettes aux branches argentées semblent vouloir s’échapper de son nez épaté. Le regard s’est durci subitement, mes remarques sur son style de gestion et sur ses tenues vestimentaires n’ont pas l’air de lui plaire. Je dirais plutôt qu’elles le stupéfient. Il se passe la main sur son crâne lisse pour se donner le temps de trouver une répartie adéquate.

Il est vrai que je n’aurais peut-être pas du profiter de mon entretien annuel d’évaluation pour annoncer froidement à mon supérieur hiérarchique que sa direction de service était aussi catastrophique que ses toilettes. Il y a des manières plus diplomatiques de transmettre les mêmes messages.

Dumortier a une longue carrière derrière lui : il a grimpé laborieusement les échelons de la maison un par un. Il a appris le management en cours du soir : il n’a pas eu le temps d’étudier le type de situation dans laquelle je viens de le plonger. Je l’ai mis au bord de l’apoplexie. Il souffre, mais il sent qu’il doit dire quelque chose. Si possible quelque chose de désagréable qui me fasse bien comprendre que je dépasse les bornes ou plus précisément les limites autorisées à ma modeste position dans l’organigramme de l’entreprise.

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Passe à ton voisin.

2 janvier, 2010

Marcel était un homme pacifique.

On ne remarquait pas sa présence : on l’appelait Passe-Partout,

Car il pouvait s’insinuer dans toutes les situations sans passer pour un intrus.

Au bistrot, il s’asseyait souvent devant un pastis pour regarder passer les gens.

Le dimanche, il allait voir son équipe au stade, mais le goal était une vraie passoire.

Marcel n’était pas bête,

L’hiver, il enfilait son passe-montagne et ainsi, n’avait jamais froid.

Il était tombé amoureux de Joséphine, mais ce n’était qu’une passade.

Finalement, il passa la bague au doigt de Mauricette.

Le temps passa et éteint peu à peu la passion.

Aujourd’hui, les époux ne se parlent plus guère si ce n’est pour se dire :

- Passe-moi le sel !

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