Mes trois jours
21 janvier, 2010Le curé psalmodie. Au lieu de suivre la messe, j’ai l’esprit qui vagabonde. Je m’attache aux détails : un enfant de chœur qui baille, la tante Marthe qui bavarde derrière moi. Je jette un œil sur le coté : Marine a l’air, elle, concentrée. Elle est prise dans une merveilleuse robe blanche. J’ai un peu de vague à l’âme en me souvenant de son prix, mais je me sermonne : ce n’est quand même pas le moment de ressasser mes relevés bancaires. Je fixe mon attention sur celle qui va être ma femme. Je crois que j’ai bien choisi : physiquement, elle est charmante, je dirais même troublante. Son regard sombre se pose paisiblement sur les êtres, doux, délicieux et parfois malicieux. Son visage, ouvert à la vie, respire le bonheur. Notre connivence a été évidente et immédiate. Nous nous comprenons bien, nous nous entendons merveilleusement. Par contre, je ne comprends pas très bien pourquoi l’Eglise tolère des robes aussi largement décolletées : celle qu’a choisie Marine est particulièrement sexy en dépit ou à cause de sa simplicité. Je me reprends, ce n’est peut-être pas le lieu d’avoir des pensées érotiques.
Le prêtre se tourne vers nous : c’est le moment d’échanger nos vœux. Il unit le troisième couple du week-end, une légère fatigue voile sa voix. Je n’ai jamais été très doué pour parler de sentiments, d’amour et d’éternité. Marine, non plus, d’ailleurs. Nous avons bataillé pour écrire quelque chose de particulièrement mièvre. Je récite mon texte avec beaucoup de peine dans le micro tendu par un enfant de chœur, qui me semble-t-il, me regarde ironiquement. J’espère que ce morceau de bravoure passera pour un moment attendrissant par sa maladresse même.
Vient le moment fatidique du passage des anneaux. La seule chose intéressante que j’ai retenue de la préparation, c’est le symbolisme de l’anneau qui n’a ni début, ni fin. C’est obsédant un truc sans commencement ni terminaison. Je n’avais jamais vraiment réfléchi à l’aspect éternel du cercle. Toute sortes idées me traversent l’esprit : le gag des anneaux oubliés par les témoins, par exemple. J’ai envie de rire. Mais Eric, mon témoin est là. Il sort, ravi, les anneaux de sa poche et les dépose sur le plateau d’argent. Il n’ y a même plus le moyen de s’amuser.