Archive pour le 28 janvier, 2010

Douze ans après

28 janvier, 2010

Demain, je me lèverai tôt. Je me préparerai calmement. Ma vie va connaître un grand changement, mais ce n’est pas une raison pour m’affoler. Au contraire.

Je commencerai par m’asseoir dans un bistrot. L’heure sera matinale. Les serveurs remettront à leurs places les guéridons qu’ils auront empilés l’un sur l’autre, la veille. Le percolateur sifflera bruyamment. Le patron, en manches de chemise, terminera sa vaisselle tout en servant les premiers déjeuners. Et puis les habitués arriveront, les uns expédiant rapidement leur premier café, les autres étalant le quotidien pour l’étude sacrée du tiercé. Quelques uns commenceront leur journée seuls, attablés à l’écart dans un tête à tête pathétique avec le ballon de rouge que le garçon, habitué à la commande, viendra de déposer devant eux, sans mot dire. Moi, je demanderai un café crème avec un croissant. Pour la première fois depuis bien longtemps, je commanderai quelque chose.

Puis, je ferai un tour dans les rues. Rien n’aura changé : les éboueurs s’agiteront autour de leurs camions, les flics régleront les flux de circulation, les touristes photographieront et les facteurs pédaleront. Je patienterai à un arrêt de bus, n’importe lequel, de toutes façons je ne prendrai pas le bus. Ce sera juste pour regarder les gens, les femmes et leur élégance matinale, les hommes d’affaires et leurs téléphones mobiles, les jeunes et leurs cartables à la mode, les vieux et leurs cannes.

Vers dix heures, j’irai à la gare. Cette fois, je monterai dans un train de banlieue, pour rendre visite à mon père dans son pavillon. Pavillon est un grand mot, je devrais dire « masure ». La grille d’entrée sera rouillée et grinçante, la façade défraîchie, et la végétation n’aura toujours pas été entretenue. Près de la porte d’entrée, je ne serai pas surpris de trouver une carcasse de machine à laver ou un vieux siège de voiture défoncé.

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