Nous deux
17 janvier, 2010J’ai passé des années à traquer l’individu qui est en moi et je l’ai trouvé. J’aurais peut-être mieux fait de ne pas me chercher : je ne me lâche plus les baskets, je me colle à la peau. Et pourtant, je ne suis pas satisfait de moi-même. Parfois, je pense que je ne m’habite pas, je me hante. En un mot, la cohabitation n’est pas simple : je me pose beaucoup de problèmes, mais je me trouve aussi quelques raisons de me vivre.
Avec les autres je ne suis guère bavard, je ne suis loquace qu’avec moi. Alors là, par contre, je m’en raconte ! Mes conversations commencent dès la douche du matin : je m’exprime mes sentiments, je me donne mon avis, je me réprimande pour mes maladresses, je me console, je me rudoie, je me dis que je n’ai rien compris à ma vie. Toujours verbalement, à haute voix, pour que je me comprenne bien. Il n’y aura pas de non-dit entre nous. Je commence à me connaître, je ne dois me laisser me raconter des histoires.
J’ai tendance à ne pas beaucoup me préoccuper des autres, je manque de citoyenneté, je ne suis pas seul au monde que diable ! Lors du trajet automobile qui me conduit au bureau, le ton monte. Je pourrais quand même prendre le bus au lieu de contribuer à la pollution terrestre. Si j’étais les forces de l’ordre, je me pénaliserais sévèrement. Je m’admoneste en me montrant du doigt. Je croise des regards d’automobilistes inquiets. Dans l’ascenseur, je me force à engager la conversation avec mes voisins au lieu de regarder benoîtement le bout de mes chaussures que j’ai généralement oublié de cirer.
- Beau temps, aujourd’hui ! fais-je d’un ton convivial
Parfois, je réussis à nouer une conversation météorologique de qualité, mais souvent, les mines consternées de mes interlocuteurs me laissent penser qu’ils ont, eux aussi, des difficultés à gérer leur ego.