Hors d’atteinte
12 janvier, 2010L’Homme vit dans cette chambre depuis un temps indéterminé. A la longueur de sa barbe naissante dans laquelle sa main fourrage toutes les cinq minutes, il pense qu’il est là depuis au moins quatre jours. Allongé sur le lit qui occupe presque toute la pièce, il fixe encore une fois la tapisserie : les motifs tarabiscotés se contorsionnent sur un fond jaune pisseux déchiré ou décollé par endroits. Seule une lueur livide tombant du vasistas lui laisse deviner le jour ou la nuit. Il est prisonnier sous un toit, c’est tout ce qu’il sait.
Ses repas lui sont servis par une espèce de trappe ménagée au bas de la porte, sans un mot, sans un bruit si ce n’est le glissement furtif du plateau sur le parquet. Il ne peut même pas se plaindre d’être maltraité : la nourriture s’avère variée et suffisante, probablement en provenance d’un bistrot voisin.
Il n’a vu son geôlier qu’une seule fois : le premier jour. L’individu cagoulé est entré brusquement dans la chambre. Sa silhouette massive s’est postée au pied du lit. Ses prunelles luisantes l’ont longuement dévisagé sans parler. Puis, il s’est retiré. La clé a tourné dans la serrure. Plus rien. Le silence.
Depuis, l’Homme ne sait plus quand il dort, quand il pense, quand il ne fait rien. Un minuscule cagibi est doté d’un lavabo qui délivre péniblement un mince filet d’eau et lui donne un alibi pour se lever de temps à autre.