Archive pour le 8 janvier, 2010

Ennui

8 janvier, 2010

Ce matin, dans le métro, la scène magique n’a pas lieu. Imaginez un peu : le wagon aurait été bourré : hommes d’affaires en costard, grappes de lycéens chahuteurs, jeunes rappeurs en survêtements, vieilles dames fatiguées. Malgré la foule, la chaleur poisseuse, les mines fatiguées, mon regard aurait rencontré le sien. Assise contre la fenêtre, elle aurait soudain tourné le visage vers moi et ses yeux bleus se seraient illuminés. Elle n’aurait pas souri, mais elle aurait été comme stupéfaite de me croiser dans ces circonstances. Nous aurions échangé timidement quelques mots. Elle prendrait la même rame tous les matins. Nous nous serions dits « A demain ! », et je l’aurais suivi d’un regard mouillé alors qu’elle se serait frayée un chemin dans la foule.

Eh bien ! Non ! Rien. Les hommes d’affaires, les rappeurs, les vieilles dames fatigués sont bien à leurs postes. Mais, elle non. J’essaye de dévisager attentivement un profil finement délié et deux grands yeux noirs éclairés d’une lueur maligne. Mais l’homme qui siége à coté de l’objet de mon attention, lui prend la main d’un geste empressé. Leurs yeux se trouvent amoureusement. Je suis encore refait pour aujourd’hui. En descendant de la rame, j’ai l’impression fugace qu’une jeune fille me sourit. Trop tard, elle est montée, le train part, je reste à quai.

En arrivant au bureau, je fouille en vain ma messagerie : quelques mails d’Outre-atlantique me conseille l’usage du Viagra. J’écoute longuement mon téléphone qui m’assure que personne n’a envisagé de me parler depuis hier soir et regarde avec amertume mon fax muet, les yeux dans les yeux, ou plutôt dans les clignotants. Rien non plus. L’appel de la direction, tôt le matin, celui qui vous fait croire que vous êtes indispensable, qu’il aurait été préférable que vous passiez la nuit au bureau, que vous êtes l’homme de toutes les situations et que vos patrons ont bien de la chance de pouvoir compter sur vous ….. Eh bien, cet appel-là ne mettra pas mon énergie à l’épreuve aujourd’hui. Pire : j’ai tout le temps, comme chaque jour, d’aller prendre un jus à la cafétéria.

(suite…)