Archive pour octobre, 2009

Entre amis

11 octobre, 2009

En ce 10 décembre 1905, il a neigé sur la capitale. Louis Petitbon s’ébroue en poussant la lourde porte de sa maison bourgeoise auprès de laquelle il est accueilli par Marinette. Sa fidèle domestique, qui semble affolée, lève les bras au ciel :

-          Monsieur est déjà rentré ! Nous ne vous attendions pas si tôt !

A petits pas empressés, la vieille servante s’agite autour du maître de maison.

Marinette était déjà au service de Monsieur Petitbon père. Malgré l’âge avancé de la berrichonne, Louis Petitbon n’a pas eu le cœur de s’en séparer.

A quarante ans, Louis Petitbon est bel homme. Il revient d’un voyage éreintant jusqu’à ses usines d’Orléans. Il vérifie dans le miroir du vestibule que les traits de son visage énergique et sa fière moustache en guidon de vélo n’ont pas souffert des affres du trajet. Ces yeux noirs se posent un instant sur le visage fripé de sa domestique :

-          Madame est là, ma bonne Marinette ?

Sana attendre la réponse, Louis Petitbon se dirige d’un pas décidé vers la chambre nuptiale. Marinette trottine derrière lui en gesticulant :

-          Monsieur ! Monsieur !

Trop tard ! Louis Petitbon a déjà ouvert la porte du nid conjugal. Il y découvre Amélie Petitbon, en chemise, alitée et alanguie. Sa longue chevelure d’ébène s’étale sur l’oreiller. Louis Petitbon s’inquiète. Amélie, couchée en plein après-midi ? L’homme s’assied au bord du lit d’un air anxieux et s’empare de la douce main droite de sa femme :

-          Eh bien ! Mon amie, vous voilà souffrante ? Et personne ne m’a prévenu ?

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Jeux de mots, jeux de vilains

10 octobre, 2009

Le colosse molosse mange un os.

L’affreux freux s’envole peureux

L’aguichante guichetière mange une quiche.

Rodrigue est un enfant prodige et un fils prodigue.

Dans son presbytère, le prêtre presbyte est presque prêt.

L’homme laid fait une omelette.

Le fou railleur applaudit le footballeur.

Le disert prend son dessert dans le désert.

La fille gaillarde danse la gaillarde.

La pimbêche bêche et peint.

Maud dit que le mot dit est maudit !

Il déjeuna légèrement de palourdes et de petit pois.

Grâce au vin, l’écrivain vint et vainc.

 

Musique !

9 octobre, 2009

Sur son sol, dans le silence de ses champs, la vie de Gustave se déroulait sans fausse note.

Parfois le soir, au coucher du soleil, il jouait de la flûte pour Sophie, sa chienne noire et Lucienne, sa chatte blanche.

Au printemps, Roberta, sa truie préférée, avait mis bas une portée de huit porcelets.

Malheureusement, en juin, Julius son vieux cheval de trait, avait rendu son dernier soupir !

Il n’était pas du genre à jouer du violon sur son chagrin.

Il avait surmonté sa peine à l’aide d’une grosse caisse du meilleur nectar de ses vignes.

Désormais, Cunégonde, l’une de ses vaches charolaises, était ronde des œuvres de Johnny, le taureau du voisin.

Henri, son vieux coq, ne chantait plus le matin depuis quelques mois.

Au rythme des saisons, des vies s’éteignaient, d’autres voyaient le jour.

Gustave était le chef d’orchestre du destin de ses compagnons à deux ou quatre pattes.

Fruits et légumes

8 octobre, 2009

Maurice l’avait traité de courge ! Quelle patate !

Il lui courait sur le haricot !

Ça ne se passerait pas comme ça !

Maurice n’avait pas à se mêler de ses oignons !

Il a une façon de ramener sa fraise à tous propos, celui-là !

Et la cerise sur le gâteau, c’est qu’il lui avait promis une carotte s’il ne parlait pas !

Il prit don chapeau melon et sortit.

Il allait confier le dossier à son avocat  bien qu’il n’ait plus un radis pour le payer !

A son âge, il avait encore la pêche et ne se laisserait pas raconter des salades !

Histoire romantique

7 octobre, 2009

  Il est beau. Blond et athlétique. Ses yeux pourraient être bleus d’azur. Mais c’est encore mieux, ils sont d’un mauve très rare. Il vous regarde avec curiosité et gentillesse. Il a été découvert cet automne sur une plage proche d’Utah Beach. Il ne semblait ni blessé ni souffrir de dénutrition. Il paraissait trouver naturel d’être là, sans savoir qu’il y était, encore moins les raisons qui l’avaient poussé sur cette plage, balayée par les vents de novembre. Il parlait peu, mais répondait en français sans accent. Sa phrase favorite était :

-          Je ne sais pas !

Son aventure avait ému la presse. Enfin… pendant quelques jours ! Les journalistes avaient rapidement découvert la maison de repos en plein bocage normand où il avait trouvé refuge. Ils avaient assailli le personnel de questions. Puis, d’autres préoccupations les avaient appelés : un tremblement de terre en Inde, les incertitudes du championnat de foot, la sortie d’un nouveau James Bond… La vie quoi !

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Ludwig Van Miloud

6 octobre, 2009

Les éducateurs du quartier ont expliqué à Miloud qu’il devait exprimer sa créativité. Ce n’est parce qu’il habite une cité misérable qu’il n’a pas droit à la culture. Alors Miloud, il a fait ni une ni deux, il s’est occupé de son imagination. Sans éducation musicale, sans soutien officiel, il a préparé pendant six mois son projet artistique, tout seul. Il y croit, il pense qu’il va vivre et faire vivre un grand moment à sa famille, sa bande de quartier, ses compagnons de misère.

Le plus difficile a été de faire venir la locomotive à vapeur dans la cour de son immeuble. Lorsqu’elle a compris que son image allait être associée à celle d’un HLM en état de décomposition avancé, la SNCF a émis quelques réserves. Mais Miloud a une vraie force de conviction, il aurait pu déplacer la Tour Eiffel. La vache normande souffrait du trac comme tous les grands artistes. Elle a été convaincue grâce à une botte de foin chipée au cirque qui s’est installée sur la place. Pour la corne de brume, Miloud n’a pas eu de mal, les fans de foot du quartier en font un usage inconsidéré les soirs de match.

En cette belle matinée dominicale du mois de juin, Miloud va diriger sa « Première Symphonie pour n’importe quoi ». Avant de monter sur le podium réservé au chef d’orchestre, il regarde la foule, les mains sont moites, le coeur est battant. Le public s’abrite sous les quelques platanes malades qui vivotent sur ce parking d’où il a fallu virer plusieurs carcasses rouillées ou calcinées de 4L ou de R5 pour laisser place au concert de Miloud.

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L’internationale

5 octobre, 2009

Jean est fort comme un turc.

Il danse à merveille le tango argentin.

Il aime les pains russes et les haricots qu’il passe beaucoup de temps à écosser.

Malheureusement, il est atteint d’une forte myopie.

Marie, son amie dit souvent  de lui « Y’ voit rien ! »

De plus, il souffre d’une légère surdité : il a les portugaises ensablées.

Souvent, il revêt sa canadienne et sort faire une promenade avec son berger allemand.

Si rien ne change, il se mariera avec Marie pendant l’été indien.

Son père, un mexicain basané, s’y oppose.

Il lui fera sûrement des remarques acerbes.

Puis il l’enverra se faire voir chez les grecs !

Un homme ambitieux

4 octobre, 2009

Henri de Durand ne s’appelait pas ainsi. Il s’était battu pendant cinq ans avec l’état-civil pour changer son nom en lui ajoutant une particule. Les meilleurs spécialistes de l’administration française s’étaient penchés sur sa requête. Ils avaient fini par lui expliquer qu’un changement de pseudonyme ne pouvait avoir lieu qu’au cas où celui-ci s’avérait notoirement ridicule ou difficile à porter. Le nom d’Henri Durand, quoique simple, ne leur paraissait pas de nature à porter atteinte à l’honneur du quémandeur. Henri Durand avait donc pris sur lui d’imprimer de nouvelles cartes de visite à sa convenance.

En se rendant à la Banque d’Escompte et de Crédit qui l’employait de puis 15 ans, Henri de Durand se frottait mentalement les mains. La veille au soir, il avait fait une rencontre importante. Peut-être même « la »  rencontre. Celle qu’il attendait depuis si longtemps et qui allait changer sa vie de modeste employé de banque.

Vers 20 heures, il s’était présenté à la galerie d’art de la rue Lepic pour le vernissage de l’exposition de Guy Lussac, un nouvel artiste à la mode qu’il convenait de couvrir d’éloges dans tous les dîners en ville. Comme d’habitude, Henri de Durand n’était absolument pas invité, mais il s’était encore débrouillé pour trouver un carton dans l’une de ses sorties précédentes. Il espérait bien rentabiliser sa soirée en se faisant remarquer d’une part et en dînant à bon compte d’autre part. L’exposition de sculpture qui avait eu l’honneur de sa visite la semaine d’avant s’était révélée d’un ennui assommant. Aucune célébrité ne s’était déplacée. Et pour couronner le tout, les toasts au saumon dégoulinaient de graisse, tandis que le champagne était tiède !

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De quel est métal est il fait ?

3 octobre, 2009

Le chef aime diriger son orchestre à l’extérieur, sous un soleil de plomb.

Lorsque le mercure est à son plus haut, il dit souvent : je bronze donc je suis.

Il arrive dans une voiture somptueuse dont les chromes brillent de mille feux.

Il est doté d’un tempérament de fer.

Il n’admet pas les discussions : le silence est d’or.

Les cuivres doivent être nickels.

Le salaire de ses musiciens est bas : selon lui l’argent ne fait pas le bonheur et pervertit la musique.

En cas de rébellion, ils seront condamnés à travailler à la mine de bauxite.

Parfois sur le zinc de son bar préféré, sa fougue s’éteint.

Ses yeux bleus cobalt se brouillent.

Jamais un disque de platine ne récompensera son talent.

Le T

2 octobre, 2009

Il était Têtu, une vraie Tête de lard.

Très jeune, il avait eu le Tétanos.

Il se déplaçait dans une vieille auTo : la Ford T.

Il ne buvait que du Thé préparé par Thérèse, toujours dans la même Tasse.

Il n’aimait que la Tête de veau.

Il avait exigé de la Trouver dans son magasin, Toujours en Tête de gondole.

- T’es Têtu, lui disait son amie Thérèse lorsqu’il se Trouvait sur sa Taie d’oreiller.

- Et Toi, Tu T’es vu ? répondaiT-il, Tétanisé par la colère.

Il Travaillait Très Tard à une nouvelle Théorie sur les Tétraèdres.

Pendant ce Temps, Thérèse Tapait ses Tapis, Tirait son avenir au Tarot, puis Tournait des idées dans sa Tête, Tout le jour.

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