Archive pour octobre, 2009

Affaires maritimes

21 octobre, 2009

Ginette était une dame de petite vertu.

Dans la rue, elle se faisait souvent traiter de morue.

Mais, muette comme une carpe, elle ne répondait jamais.

Maurice son maquereau était un vrai requin.

Il savait échapper aux policiers comme une anguille.

Maurice avait pour Ginette des yeux de merlan frit.

L’été venu, ils partaient tous deux en camping.

Maurice montait la tente en plantant avec précisions les sardines.

Le soir, il s’habillait et soignait avec précaution sa raie au milieu de ses cheveux gominés.

Puis ils allaient au bal : parmi les danseurs, ils étaient comme des poissons dans l’eau.

Un jour Ginette attendit un enfant.

Maurice fut heureux d’avoir enfin un vrai dauphin

Le destin du chevalier Guyomard

20 octobre, 2009

Au Royaume des fées, la fée Marie-Claude bénéficie d’un prestige particulier. D’une très ancienne aventure dans le fin fond des forêts de Bretagne, sur laquelle elle est toujours restée très discrète, elle a reçu le privilège exorbitant de l’immortalité des mains de Merlin l’Enchanteur lui-même.

Aujourd’hui, Marie-Claude promène ses 534 printemps avec verdeur et légèreté. Ses collègues viennent régulièrement s’alimenter de ses conseils. C’est qu’elle en a connu des histoires merveilleuses, Marie-Claude !

La victoire des troupes du Maréchal de Saxe à Fontenoy en 1745 alors que l’affaire était particulièrement mal engagée, c’est elle ! Le rattachement de la Savoie et de Nice à la France en 1860 lui doit beaucoup ! Elle a, à cette occasion, doté le pays de quelques stations de sports d’hiver supplémentaires et de la Promenade des anglais, ne l’oublions pas ! Elle a  largement contribué aussi à l’invention du courant électrique ! N’a-t-on pas longtemps parlé de la « fée électricité » sans que l’on sache toujours d’où venait cette expression ? Quant à la victoire française à la coupe du monde de football 1998, n’en parlons pas, seuls quelques initiés savent…. !

Mais elle a un souci permanent depuis plusieurs siècles, la fée Marie-Claude. Il se trouve qu’elle est la cousine de la fée Morgane, princesse de Cornouailles, elle-même sœur du roi Arthur. Morgane était une jeune femme aux mœurs peu convenables, malencontreusement dotée de pouvoirs surnaturels. Très occupée à ne rien faire à la cour de son frère, Morgane passait de troubadours en ménestrels au gré de ses caprices sans la moindre retenue, jusqu’au jour où son regard croisa celui du beau Guyomard, chevalier de petite Bretagne. Dès lors, les fines parties qu’elle organisait dans son château cessèrent. Ce fut l’amour fou et exclusif.

(suite…)

C’est la course…

19 octobre, 2009

Jean qui avait la trentaine courait la prétentaine.

Yves qui aimait la bière courait la gueuse.

Pierre qui lisait les journaux sérieux courait le monde.

Maria conduisait la balayeuse municipale : dans son engin, elle courait les rues.

Adeline qui travaillait dans les assurances détestait courir des risques.

Patrick qui se targuait d’être une fine gâchette, courait deux lièvres à la fois.

Louis, un excellent météorologue, disait souvent : « Par les temps qui courent… »

Juliette était une mauvaise langue, elle faisait souvent courir des rumeurs.

Jean-Sébastien entraînait des athlètes : il leur criait souvent : « Tu peux toujours courir ! ».

Tous, ils se voyaient rarement, étant toujours en train de se courir après.

Confession

18 octobre, 2009

Je vais très bien. Plus personne ne me pose la question tant ma vitalité éclate lorsque j’apparais. Dès que j’entre quelque part l’attention se porte sur moi. J’ai toutes les peines du monde à passer inaperçu.

Il faut dire que physiquement, je suis pas mal. Je ne suis peut-être pas extraordinaire, mais j’ai un type. On le remarque tout de suite, surtout les forces de police. J’ai le visage buriné par les stigmates de l’expérience et les vicissitudes de la vie, mais lorsque je souris tout mon visage s’éclaire. J’ai alors les yeux de l’enfant qui s’exclame de joie au matin de Noël et les fossettes du nourrisson à l’heure de la tétée. Bref, c’est assez émouvant : je devrais sourire plus souvent. Lorsque les soucis m’accablent, mon regard lointain me donne un air fragile et humain qui bouleverse les femmes. Dans ces moments de peine, elles n’osent même plus m’adresser la parole.

Parlons justement des femmes. Je reste modeste avec elles pour ne pas les effaroucher : elles sont si facilement intimidées par mon magnétisme personnel. Monique par exemple ne s’est jamais adressée à moi ! J’ai l’impression qu’elle n’ose pas croiser mon regard de braise! D’ailleurs, je ne suis même pas sûr qu’elle s’appelle Monique ! Marie-Claude ne sait pas comment m’aborder en dépit de tous mes efforts pour la mettre à l’aise. Chaque fois que nous devons sortir ensemble, elle a un rendez-vous urgent ! Sophie, quant à elle, se contente de me regarder avec respect en se cachant derrière sa main pour ne pas avoir à affronter mon visage viril ! Toute ma personne dégage une sensualité cinématographique. Un metteur en scène m’a d’ailleurs fait faire quelques bouts d’essai. Pour donner suite à ma carrière, il m’a dit qu’il était désormais obligé d’attendre l’éclosion de partenaires assez charismatiques pour ne pas se laisser écraser par ma présence lumineuse à l’écran. Depuis Jean Gabin, il n’a jamais eu une telle bête de spectacle devant lui !

(suite…)

Techno

17 octobre, 2009

Un guatémaltèque sort de la cinémathèque

Pour finir la soirée en discothèque.

Puis il va manger une pastèque accompagnée d’un bifteck.

Il repart dans sa voiture, couleur teck avec son teckel.

Puis s’assied dans sa bibliothèque.

Et ouvre un livre sur les aztèques.

En buvant de la tequila et écoutant de la techno.

 

Les oiseaux

16 octobre, 2009

Le bec enfariné, le jeune député était monté à la tribune de l’Assemblée.

Il voulait prendre son envol dans ce monde de vieux rapaces.

Un ancien l’avait abrité sous son aile.

Le nouvel élu avait pris sa plus belle plume pour écrire son discours.

Il avait cherché à démontrer que le projet de loi était un nid de contradictions.

Mais dès le début de son intervention, la majorité se mit à piailler.

Certains criaient que l’orateur planait complètement.

En haut de son perchoir, le président surveillait les débats de son regard d’aigle.

Il pensait que cet hémicycle était décidemment une vraie basse-cour.

Les nouveaux mousquetaires

15 octobre, 2009

L’Incompris marmonnait dans son coin. Au bureau, il avait averti sa hiérarchie que l’entreprise allait dans le mur. Il voyait, jour après jour, de plus en plus de clients se détourner des logiciels qu’elle produisait pour s’adresser à des concurrents plus performants. Mais aucun de ses directeurs ne prenait ses avertissements en considération. Prétentieux, imbus de leurs personnes, persuadés de l’infaillibilité de leur stratégie, ils s’enfonçaient imperturbablement dans des difficultés que l’Incompris était le seul à anticiper. Et le comble, c’est que l’Incompris passait auprès de ses supérieurs pour un volatile de mauvais augure et même pour un défaitiste dont il convenait de se méfier.

A la maison, la situation de l’Incompris n’était pas plus attrayante. Son épouse Bernadette s’entêtait à le déranger précisément au moment où il avait besoin de calme pour se reposer. Il aimait à s’installer au coin de la cheminée où il ouvrait son quotidien pour se tenir informé de l’actualité mondiale. Et c’est, en général, au moment précis où il prenait connaissance des nouvelles d’Afghanistan ou d’Irak que son épouse lui lançait d’un ton rogue :

- Ça te fatiguerait de mettre la table ?

L’Incompris avait beau souligné l’importance qu’il y avait à lui permettre de développer sa conscience politique de citoyen, son épouse n’y entendait rien, ne voyant pas plus loin que l’urgence de servir la soupe familiale ou la salade de haricots verts fraîchement cueillis au supermarché voisin. L’Incompris estimait que c’était l’explication essentielle de la désaffection des électeurs pour la politique : il ne fallait s’étonner de rien tant qu’on harcèlerait les gens comme lui qui cherchaient à se tenir informés des affaires du monde.

Ses trois compagnons du moment hochaient la tête gravement. Non pas qu’ils comprenaient l’Incompris, mais il convenait dans cette petite société que chacun puisse exprimer ses rancoeurs sans être contrarié.

(suite…)

OK!

14 octobre, 2009

Julien avait beaucoup de défauts : il était hargneux comme un roquet

Et comme une fille, très coquet.

Il avait aussi souvent le hoquet.

Pour passer le temps, il jouait au bilboquet.

Le dimanche, pour ne pas être dérangé, de sa chambre il fermait le loquet.

Car, souvent, de son hobby, Juliette se moquait.

Pour se rattraper, Julien se hâtait de lui offrir des bouquets.

Alors Juliette était contente et son pardon elle invoquait.

Juliette l’aimait : aussi, chaque dimanche, à sa porte elle toquait.

Le retour au pays

13 octobre, 2009

Dans mon pays d’Afrique, la guerre civile fait office de sport national depuis un demi-siècle. L’espérance de vie atteint un niveau de médiocrité qui désespère le plus cynique des experts de l’ONU. Quand vous êtes vaguement cousin d’un ancien président qui réussit à rester quinze jours au pouvoir, vous constituez une proie idéale pour des factions de tous bords, et vous pouvez considérer que fêter votre vingt-cinquième anniversaire, comme je venais de le faire, relevait d’un coup de chance qui confinait au surnaturel.

Le lendemain de ce jour béni, la pensée me vînt qu’il n’y aurait peut-être pas une vingt-sixième bougie au gâteau que je n’avais pas dégusté, si je ne prenais des mesures urgentes pour assurer ma survie immédiate. Je réunissais mes quelques économies et résolus de quitter le ciel de mes ancêtres.

Je ne m’étendrais pas sur le voyage pittoresque que nous avons effectué sur un océan en furie, entassés dans une pirogue dont l’état aurait fait reculé nos pêcheurs les plus intrépides, eux qui avaient pourtant l’habitude de s’aventurer sur les eaux du lac National à la recherche de leur pitance quotidienne. Nous partîmes cinquante, arrivèrent vingt-cinq sous la férule de passeurs armés jusqu’au dents qui se facilitèrent amplement le voyage en passant par-dessus bord les malades ou les mourants, tout en évitant de justesse quelques actes de cannibalisme qui auraient pu faire mauvais genre dans les eaux internationales et par conséquent compromettre notre expédition.

(suite…)

Tous à la mer!

12 octobre, 2009

Homère est maire à Trou-sur-Mer,

Bien que son vocabulaire et sa grammaire soient sommaires.

Il sait que sa fonction est éphémère et ne poursuit pas des chimères.

Le maire amer, regarde la mer.

Sa mère méritante amerrit dans son hydravion légué par sa grand-mère.

Elle revient d’Amérique avec sa mercière.

Qui fait les merguez à merveille,

Tandis que sa mère chante comme un merle malgré son implant mammaire.

Le maire est marié à une merluche qui le tient à sa merci.

Aussi il remercie sa mère et sa commère  lorsqu’elles émergent de la mer.

 

1234