Les gens d’en haut, les gens d’en bas
29 octobre, 2009Un jour, Martin lévita. Il ne sut pas pourquoi : une modification de la composition chimique de son corps ou une altération du champ magnétique qui l’entourait ou encore une espèce d’expérience qui aurait été tentée par des extraterrestres qui l’auraient choisi au hasard dans la foule. Il ne connut pas la raison de ce phénomène paranormal, mais il lévita.
La première fois qu’il s’en aperçut, il traversait la rue. Il était un peu en retard. Nestor Boulin, son directeur général n’aimait pas trop qu’on en prenne à l’aise avec l’horaire. Martin pressa donc le pas et se sentit soudain transporté d’un seul coup d’aile, si l’on ose dire, jusqu’au trottoir opposé. Absorbés par leurs préoccupations matinales, les passants n’y prêtèrent pas attention.
Au début, effaré par cette découverte, Martin n’osa pas en faire une démonstration publique. Chez lui, au bureau, dans la rue, on le voyait marcher précautionneusement, comme sur une rangée d’œufs, en prenant garde de ne pas appuyer fortement sa voûte plantaire sur le sol. Dès qu’un contact trop prononcé se produisait entre son pied et la terre ferme, Martin prenait son envol sur plusieurs dizaines de mètres.
Martin se résolut à un rendez-vous chez le docteur Dufourneau. On disait le plus grand bien de ses méthodes thérapeutiques dans des cas apparemment inhabituels. Le docteur Dufourneau prit le temps de rajuster ses lorgnons, de gratter les quelques cheveux blancs qui lui restaient sur le sommet du crâne avant de déclarer que tout cela lui semblait bizarre, surtout après que Martin lui ait asséné une démonstration de vol au-dessus de son propre bureau.