Ludwig Van Miloud
6 octobre, 2009Les éducateurs du quartier ont expliqué à Miloud qu’il devait exprimer sa créativité. Ce n’est parce qu’il habite une cité misérable qu’il n’a pas droit à la culture. Alors Miloud, il a fait ni une ni deux, il s’est occupé de son imagination. Sans éducation musicale, sans soutien officiel, il a préparé pendant six mois son projet artistique, tout seul. Il y croit, il pense qu’il va vivre et faire vivre un grand moment à sa famille, sa bande de quartier, ses compagnons de misère.
Le plus difficile a été de faire venir la locomotive à vapeur dans la cour de son immeuble. Lorsqu’elle a compris que son image allait être associée à celle d’un HLM en état de décomposition avancé, la SNCF a émis quelques réserves. Mais Miloud a une vraie force de conviction, il aurait pu déplacer la Tour Eiffel. La vache normande souffrait du trac comme tous les grands artistes. Elle a été convaincue grâce à une botte de foin chipée au cirque qui s’est installée sur la place. Pour la corne de brume, Miloud n’a pas eu de mal, les fans de foot du quartier en font un usage inconsidéré les soirs de match.
En cette belle matinée dominicale du mois de juin, Miloud va diriger sa « Première Symphonie pour n’importe quoi ». Avant de monter sur le podium réservé au chef d’orchestre, il regarde la foule, les mains sont moites, le coeur est battant. Le public s’abrite sous les quelques platanes malades qui vivotent sur ce parking d’où il a fallu virer plusieurs carcasses rouillées ou calcinées de 4L ou de R5 pour laisser place au concert de Miloud.