Un homme ambitieux
4 octobre, 2009Henri de Durand ne s’appelait pas ainsi. Il s’était battu pendant cinq ans avec l’état-civil pour changer son nom en lui ajoutant une particule. Les meilleurs spécialistes de l’administration française s’étaient penchés sur sa requête. Ils avaient fini par lui expliquer qu’un changement de pseudonyme ne pouvait avoir lieu qu’au cas où celui-ci s’avérait notoirement ridicule ou difficile à porter. Le nom d’Henri Durand, quoique simple, ne leur paraissait pas de nature à porter atteinte à l’honneur du quémandeur. Henri Durand avait donc pris sur lui d’imprimer de nouvelles cartes de visite à sa convenance.
En se rendant à la Banque d’Escompte et de Crédit qui l’employait de puis 15 ans, Henri de Durand se frottait mentalement les mains. La veille au soir, il avait fait une rencontre importante. Peut-être même « la » rencontre. Celle qu’il attendait depuis si longtemps et qui allait changer sa vie de modeste employé de banque.
Vers 20 heures, il s’était présenté à la galerie d’art de la rue Lepic pour le vernissage de l’exposition de Guy Lussac, un nouvel artiste à la mode qu’il convenait de couvrir d’éloges dans tous les dîners en ville. Comme d’habitude, Henri de Durand n’était absolument pas invité, mais il s’était encore débrouillé pour trouver un carton dans l’une de ses sorties précédentes. Il espérait bien rentabiliser sa soirée en se faisant remarquer d’une part et en dînant à bon compte d’autre part. L’exposition de sculpture qui avait eu l’honneur de sa visite la semaine d’avant s’était révélée d’un ennui assommant. Aucune célébrité ne s’était déplacée. Et pour couronner le tout, les toasts au saumon dégoulinaient de graisse, tandis que le champagne était tiède !