Ma rue
12 septembre, 2009Il y a quinze ans, des gens vivaient dans ma rue.
Il y avait d’abord Monsieur Mathurin qui descendait chaque matin Hercule, son petit chihuahua. Monsieur Mathurin était un retraité du Ministère qui avait toujours l’air distingué avec ses cheveux d’argent ondulés, soigneusement peignés vers l’arrière. Monsieur Mathurin s’arrêtait toujours pour converser ave Ibrahim, le cantonnier sénégalais car Monsieur Mathurin pensait qu’il fallait maintenir un contact chaleureux avec le peuple pour ne pas se déconnecter de la vraie vie. Les politiciens avait perdu de vue cette réalité, c’était pour ça qu’on était aussi mal gouverné.
Ibrahim portait toujours un magnifique gilet jaune fluorescent sur ses pauvres haillons. Il était ainsi visible de loin, surtout par les automobilistes imprudents qui auraient très bien pu le bousculer pendant qu’il nettoyait le caniveau.
Ibrahim aimait à discuter avec les uns et les autres. L’automne, après avoir balayé les feuilles mortes et les avoir réunies en tas que les enfants éparpillaient joyeusement à grands coups de pieds insouciants, Ibrahim s’appuyait sur son balai et s’entretenait avec Marcel devant la terrasse de son bar. Marcel, manches de chemise retroussées sur ses avant-bras velus, se disputait fréquemment avec le cantonnier à propos des résultats du championnat de foot du week-end précédent. Puis, il prenait Ibrahim par l’épaule et les deux hommes entraient au Bar des Amis pour l’anisette du matin.