L’attente
28 juin, 2009Ca y est, j’y suis. Un coup d’œil à l’horloge. Je suis en avance d’un bon quart d’heure. Les autres arrivent peu à peu. J’avise quelques personnes que je reconnais d’un demi-sourire. Certaines se mettent à discuter par deux par trois. D’autres restent dans leur coin. Comme moi. Je me décide à occuper mon bout de trottoir. Comment en suis-je arrivée là ?
Ma famille ne vivait pas dans la pauvreté. Mais juste en dessus. Mon père travaillait comme ouvrier à la chaîne, il fût très tôt usé par l’atelier. Les fins de mois étaient parfois compliquées, mais personne n’en parlait. Mes parents avaient vraisemblablement le sens du devoir et de l’abnégation chevillés au corps. Je sentais bien qu’ils calculaient tout au plus juste en essayant de faire en sorte que je ne m’en aperçoive pas. Ma mère veillait à ce que je ne ressente pas durement notre situation dans la hiérarchie sociale. Fille unique, je n’ai jamais vraiment manqué de rien. Enfin, matériellement.
Très tôt, je montrais ce qu’il est convenu d’appeler un caractère. Selon les circonstances et leur envie d’être aimables, les autres me trouvaient soit une grande gueule soit une certaine personnalité. A l’école, j’étais cataloguée chef de bande. Ombrageuse, je ne supportais pas d’avoir à m’intégrer à un groupe. Il convenait que ce soit les autres qui viennent à moi. Et généralement, ils venaient. D’autant plus que j’étais bon élève, aidant ceux qui acceptaient ma domination, délaissant les autres sans remords.