La suite du corbeau et du renard

Freddy Mercury !!. Il avait perdu son fromage parce qu’il a voulu reprendre ce grand standard, « We are the champions », chanté par tous les champions de quelque chose dans le monde, au soir de leur victoire.   

Maître Corbeau s’était fait avoir en beauté par Renard. Pourtant, il savait qu’il était excellent dans cette interprétation. Au mariage de cousin Rossignol, la semaine dernière, la qualité de sa prestation avait été reconnue : il avait été acclamé par la foule. Il avait même dû se plier à deux rappels !..

Aujourd’hui, Corbeau en rentrant des courses était tombé sur ce Renard de malheur qui ne fichait rien de la journée. Tout le quartier le savait, Renard vivait aux dépens des autres. L’assistante sociale, Madame Loutre n’avait même réussi à l’inscrire à l’ANPE. En un mot, Renard était un enfant de la Zone, à l’affût de tous les trafics, impliqué dans tous les mauvais coups. La police l’avait menacé à plusieurs reprises, sans effet. Il faisait le désespoir de sa mère qui passait son temps à dédommager les voisins victimes des exactions de son rejeton.

Passionné de musique moderne, ex-candidat à la Star Volatil’Ac, Corbeau s’était laissé endormir par le baratin de Renard. Lequel s’était enfui avec le camembert que l’oiseau, pris par son interprétation de Freddy Mercury, avait fait tomber de son arbre..

Corbeau était marié. Le couple Corbeau ne roulait pas sur l’or. La mère Corbeau faisait des ménages toute la journée, tandis que son pauvre hère de mari, pas très vaillant, cherchait sa voie de petits boulots en petits boulots. Son vrai plaisir était plutôt d’écumer les bars à Karaoké, chaque samedi soir, en compagnie le plus souvent douteuse.

La mère Corbeau avait envoyé son mari chercher ce fromage dont elle était friande avec une pièce d’or qu’elle avait péniblement gagné. Le camembert volé, Corbeau n’osait plus rentrer au nid conjugal. Corbeau savait parfaitement qu’il allait se faire voler dans le plumage. D’un tempérament peu porté au conflit, il redoutait par-dessus tout les altercations avec sa conjointe.

Chez Marcel, le hibou qui tenait le bar du  « Bout du Champ », il trouva un refuge. A la troisième vodka, Corbeau s’épancha sur l’épaule du vieil oiseau de nuit qui connaissait bien aussi le tempérament de la mère Corbeau. Marcel lui proposa d’hululer avec lui, le soir même à la nuit tomber. Ca défoulait et ça ne nuisait à personne.

En attendant, Corbeau entreprit de traîner sa peine et sa honte sans but précis. En arrivant sur la rambarde du pont qui traversait la rivière, il eut la surprise de voit Gérard, le Vautour dépressif. Celui-ci regardait tristement le fond de la rivière qui s’écoulait sous ses pattes. Il se confia d’un bloc à Corbeau : il n’en pouvait plus de la vie. Le couple Vautour se décomposait. Madame Vautour avait quitté son nid pour s’acoquiner avec un jeune prétentieux tout juste évader d’un parc animalier voisin. Le Vautour n’avait même pas l’impression de pouvoir se noyer dans cette rivière ridicule : il réussirait tout juste à s’humecter le plumage.

Corbeau ne put résister au soulagement de lui raconter son aventure et la gêne dans laquelle il se trouvait pour affronter le regard de sa femme. Il commençait à avoir du mal à dégager clairement une idée depuis sa rencontre avec Renard, copieusement arrosée par son passage au bar du Hibou. Il exprima néanmoins un jugement ferme sur la gente féminine :

-« Toutes des…, mon pauvre ami »

Fred, le héron au long cou, vînt à passer en revenant de sa partie de golf. Il avait entendu la conversation. Fred avait beaucoup vécu et ne manquait pas une occasion de faire part de sa grande expérience.  Il expliqua que, de toutes façons, il n’y avait un mariage de volatile sur deux qui tenait le coup. Il ne fallait pas s’en indigner : c’est la vie.

-« Profitez-en, les amis, papillonnez, papillonnez… »

Bambou, le papillon des prés avait également tout entendu :

-« Qu’est-ce à dire ? »

Fred, le héron se rétracta rapidement. Il n’aimait pas les colères de Bambou. Avec un battement d’ailes de papillon, on ne savait jamais ce qui pouvait arrivé…

-« C’était une façon de parler, mon cher Bambou… »

Tout en discutant, les trois volatiles, Corbeau, Fred, Gérard firent route ensemble suivis de Bambou, qui, d’une fleur à l’autre, papillonnait … effectivement. Après tout, c’était son boulot. Ils repassèrent devant l’estaminet de Marcel à l’heure de l’apéritif. Fred insista pour offrir sa tournée.

Très atteint par les vapeurs d’alcool, Corbeau pleurait à chaudes larmes sur son sort. Il avait l’impression qu’il ne pourrait plus jamais s’adresser à la Mère Corbeau qu’il chérissait, même s’il subissait tous les jours l’aigreur de son caractère.

Ses trois amis ne savaient comment le réconforter. Plongés dans leurs verres, ils cherchaient tous une idée pour permettre à Corbeau de retrouver dignement son logis et sa place auprès de son épouse. Les tournées succédaient aux tournées quand Fred, le héron au long cou eut une illumination :

-« Et si l’on allait demander l’avis de Raoul, le Coq… il s’y connaît, lui en femmes… »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Marcel ferma son bistrot, peu fréquenté à cette heure-ci et ils se mirent en route vers le poulailler, toujours suivi à distance respectable par Bambou, le papillon.

Raoul « régnait » en mettre sur une nombreuse basse-cour. Il écouta le récit de Corbeau. Celui-ci, noyé dans sa honte et son chagrin, hoquetait fréquemment. Il avait du mal, entre deux sanglots, à terminer ses phrases. A tour de rôle, ses amis le relayaient auprès de Raoul.

Le Coq les écoutait en secouant la crête, de droite à gauche, d’un air de pitié exaspérée :

-« Depuis le temps, que je vous le dis…..il ne faut pas se laisser faire par les femmes…..regardez ici : c’est moi qui commande ! … »

Autour de lui en effet, les poules de son harem s’affairaient à une distance respectueuse du Maître des Lieux. Certaines déposaient à ses pieds quelque vermisseau en signe de soumission.

Raoul  aimait bien, néanmoins, ces trois lascars. Attablés, devant un nouvel apéritif, servi par Poulette, une nouvelle que Raoul avait récemment remarquée, le Coq rassura ses trois amis :

-« C’est bien parce que c’est vous…je vais vous expliquer ce que nous allons faire »

Accompagné cette fois-ci de Raoul, les trois oiseaux se mirent en route en direction de l’arbre où vivait Madame Corbeau, la nuit commençait à tomber et Marcel se demandait s’il allait avoir le temps d’hululer ce soir. Il ne savait pas exactement à quoi ça servait, mais c’était quand même dans la nature des choses.

Sous les fenêtres de Madame Corbeau, les trois compères se concertèrent. A l’initiative de Raoul, qui s’était autoproclamée expert en sensibilité féminine, ils décidèrent de donner l’aubade à Madame Corbeau. Avec un sens de l’à-propos que l’histoire ne retiendra pas, ils entonnèrent :

-« Je suis saoul, saoul…. ton balcon, comme Roméo, oh ! oh ! Marie-Charlotte… »

En effet, Madame Corbeau se prénommait Marie-Charlotte. Raoul, le Coq pensait qu’elle se sentirait particulièrement flattée d’être ainsi introduite dans un chef d’œuvre de Claude Nougaro.

Dans le chœur, Marcel se distinguait par sa voix de basse longuement travaillée lors de ses sorties nocturnes. Gérard et le Corbeau émettaient des sons légèrement éraillés par l’émotion et la fatigue. Fred le Héron, ne connaissant pas la chanson se lançait dans une série d’onomatopées. Raoul, le Coq dominait l’ensemble par sa belle voix de ténor. Quant à Bambou, le Papillon, il battait la mesure en voletant de droite à gauche.

L’effet ne tarda pas à se produire. Marie-Charlotte Corbeau jaillit de son arbre :

-« C’est fini ce barouf !! Il y a des gens qui dorment et qui bossent demain matin… !! »

Raoul le Coq, se tourna vers ses comparses en clignant de l’œil :

-« Ca y est, ça marche… »

-« Mère Corbeau, dit-il, nous intervenons au nom du Père Corbeau, lâchement agressé par Compère Renard alors qu’il sortait tranquillement de l’Hypermarché, après avoir fait vos courses. Il n’osait même plus renter au logis…Voyez donc l’état dans lequel il s’est mis !! »

De fait, Monsieur Corbeau, ne se tenait quasiment plus debout submergé qu’il était par la honte, le doute et l’alcool………….

Ses trois amis le hissèrent dans le nid familial et l’installèrent comme ils purent dans son lit, sous l’œil sévère de Marie-Charlotte.

Après avoir fait signe aux volatiles de faire entrer son conjoint, celle-ci n’avait encore rien dit. Dans sa torpeur, Maître Corbeau sentait bien que l’avalanche allait se déclencher rapidement. Il souleva une paupière :

-« Mon pauvre ami, soupira sa femme…. »

Le début n’était pas vraiment ce qu’attendait Corbeau et ses amis. La suite encore moins. Marie-Charlotte leur conta que Maman Renard lui avait rendu visite dans l’après-midi. La pauvre femme, honteuse avait surpris son fils après son larcin. Catastrophée par la conduite de son rejeton qui terrorisait le quartier, elle était venue présenter ses excuses familiales et rendre le camembert. Les deux femmes avaient longuement conversé et finalement sympathisé, l’une se plaignant des manières de voyou de son fils, l’autre de la faiblesse de caractère de son conjoint.

Corbeau n’en pouvait plus. Il s’endormit les deux pattes en l’air avant la fin du récit de leur épouse. Ses amis prirent le chemin du retour, Raoul n’en pouvait plus, lui non plus…. de prétention. Il endossa modestement la responsabilité de la réussite de l’expédition :

-« Et voilà, c’est pas plus difficile que ça les femmes ….. », répéta-t-il en s’éloignant dans la nuit avec le hibou, le héron, le vautour sous la conduite du papillon

Une Réponse à “La suite du corbeau et du renard”

  1. melissa dit :

    le 14/11/2010 j’ai aprendre le corbeau et le renard au college et ja dore la suite j’aimerai bien l’apprendre !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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