Le cauchemar de l’adjudant Bonasse
14 juin, 2009-« Quelqu’un m’a dit que les fées tenaient leur congrès ce samedi à la salle des fêtes de Saint-Germain. Qu’avez-vous prévu, adjudant Bonasse ? »
L’adjudant Bonasse venait d’être tiré d’un demi-sommeil bienfaiteur par un appel urgent du commandant de gendarmerie Paul de
la Ferrière. Bonasse portait son nom à merveille. Dernier rejeton d’une famille nombreuse de Saint-Germain-en-Pouilly, le travail de la terre ne l’avait jamais vraiment attiré, pas plus que le travail tout court d’ailleurs. Il s’était donc découvert une vocation impérieuse pour la gendarmerie, après avoir étudié minutieusement la façon dont son illustre prédécesseur Bourichon occupait son temps dans les locaux de la gendarmerie du canton.
A ce moment de l’après-midi, cette histoire de fées lui passait très nettement au-dessus du képi et dans un semi-brouillard, il s’entendit répondre :
-« Mesures de sécurité habituelles, chef ! »
-« Je compte sur vous, Bonasse ! Pas de vagues !… surtout pas de vagues ! »
Tiré d’une douce rêverie par une histoire rocambolesque d’une part et par le ton martial de son supérieur direct d’autre part, Bonasse avait besoin de retrouver ses esprits. Il ajusta son couvre-chef réglementaire et propulsa sa silhouette avantageuse jusqu’au bistrot de la mère Denise pour analyser la situation.
La mère Denise cultivait une fine connaissance de la région et en voyant Bonasse pousser la porte de son comptoir d’un air soucieux, elle comprit très vite :
-« C’est le congrès de samedi qui te mets dans cet état, Mathieu ? »
Mathieu Bonasse ronchonna en guise de réponse, prit le temps de commander son premier demi de la soirée, puis en vint au fait :
-« Si je comprends bien, tout le monde est au courant, sauf les forces de l’ordre… »