Un jour d’été
1 juin, 2009Il fait soleil ce matin, mais aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres.
Ils sont tous là. D’abord, il y a ma femme. 35 ans de vie commune. Comme beaucoup, nous sommes passés par tous les états de la vie de couple : passion, déchirement, indifférence, tromperie, regrets…Mais, au bout du compte, nous avons tenu. Je crois que l’intelligence a pris le dessus sur le sentiment.
Elle a sorti son tailleur sombre. Nous l’avions acheté ensemble pour l’avant dernier enterrement de famille. Celui de la tante Marthe.
Hélène a 55 ans. Elle a les traits marqués. Ses merveilleux yeux gris clair sont un peu rougis. Le regard est lointain. Le soleil pose des éclats roux dans sa chevelure brune. Elle n’a pas plus la beauté qui m’emporta, il y a déjà tant d’années. Mais elle a encore de la classe. Ses interlocuteurs lui adressent quelques mots à voix basse avec respect.
Gérard, mon frère est venu. Depuis Lyon. Pour une fois, il est à l’heure. Gérard a toujours été en retard. Ma mère l’a mis au monde 16 ans après moi. D’un tempérament lymphatique, il a toujours fallu le houspiller pour qu’il avance. Maman et moi, nous avons obtenu de haute lutte qu’il réussisse un BEP de comptabilité à 18 ans. Puis, il a fallu pratiquement lui trouvé son emploi. A 37 ans, il a convolé en noces plus ou moins justes, à la surprise générale. Marie, sa femme est aussi venue : elle le mène à la baguette. Présentement, elle lui dit qu’il aurait pu, pour un enterrement, éviter de s’affubler d’une ridicule cravate fantaisie. Les deux enfants les suivent en rouspétant.
C’est que les deux garçons de Gérard ont 13 et 11 ans et qu’ils avaient bien d’autres envies dans la tête pour passer ce dimanche. Ils sont particulièrement désagréables depuis que leur père les a traînés dans ce trou de verdure pour assister à une mise en terre.