Archive pour le 26 janvier, 2009

Un as du barreau

26 janvier, 2009

Dans un geste d’autosatisfaction qui lui était coutumier, Maïtre Dufourneau passa la main dans sa longue barbe blanche.  En regardant les piles de dossiers qui envahissaient son bureau, il pensait qu’il était décidemment un grand avocat. 

Dans l’affaire du camembert, il avait facilement obtenu la condamnation du renard qui avait dérobé le fromage du corbeau au prix d‘une ruse misérable. Ce succès avait été assez aisé puisqu’il avait pu mettre la main sur le témoignage écrit d’un grand fabuliste, témoin direct de la scène. De plus, le renard avait un casier judiciaire chargé : les poulaillers du voisinage portaient encore la trace de ses larcins. Les volailles du pays ne s’étaient pas privées pour l’accabler devant le Tribunal.

L’empoisonneuse de Blanche-Neige avait également été aisée à confondre. Dufourneau avait fait citer les sept nains à la barre des témoins, même les dénommés Timide et Simplet. Il avait fallu installer un escabeau en pleine salle d’audience pour qu’ils soient distingués par les juges, mais les petits êtres avaient su tirer des torrents de larmes de la part des jurés. La sorcière avait été sévèrement condamnée et la reine qui l’avait commanditée n’avait pas non plus échappé à la punition.

D’autres causes avaient été plus ardues à défendre. Ainsi, il avait du batailler ferme pour faire condamner la belle-mère de Cendrillon pour défaut d’assistance et exploitation abusive de son enfant. Cette femme et ses deux filles avaient été d’une mauvaise foi et d’un entêtement inébranlables à l’audience. Maître Dufourneau, grâce à un enquêteur privé, avait retrouvé une jeune servante cambodgienne que la vieille avait honteusement surexploitée à son service, 20 heures par jour, avant de s’en prendre à Cendrillon. L’histoire de cette jeune fille avait enfin emporté l’adhésion de
la Cour qui avait fortement puni la belle-famille de Cendrillon. Celle-ci qui était devenu princesse entre temps, grâce à une histoire d’escarpin perdu, avait néanmoins usé de son droit de grâce pour absoudre les condamnées ce que Maître Dufourneau avait vivement regretté.

(suite…)